Festival : L’année commence avec elles
L’année 2025 s’annonce émancipatrice et résiliente sous l’égide de la 6e édition du festival L’année commence avec elles, du 14 au 19 janvier à POLE-SUD.
En février dernier, les Musées de Strasbourg devenaient les bénéficiaires d’une donation exceptionnelle : la collection Poitrey-Ballabio, comprenant 17 tableaux et 40 œuvres sur papier du 16e au 19e siècle.
Avant d’intégrer définitivement les collections des Musées de Strasbourg, ces œuvres sont exposées à la Galerie Heitz. On les imagine ici dans leurs cadres, côte à côte, sur les murs d’une maison cossue. Habitant l’espace, habillant le quotidien de leur présence. On se surprend à fantasmer la vie à l’ombre de ces chefs-d’œuvre avant qu’ils n’entrent au musée. Et pour cause, derrière les cimaises de la Galerie Heitz, vibre encore la personnalité de Marie-Claire Ballabio et de Jeannine Poitrey, collectionneuses invétérées et généreuses donatrices. Chacun à leur manière, tableaux, dessins et gravures racontent un petit fragment de l’histoire de ces autodidactes prises de passion pour l’art.
Love art first sight
« Marie-Claire Ballabio et Jeannine Poitrey ont constitué une collection de 57 œuvres sur 30 ans. Ce qui fait à peu près 2 œuvres par an », rappelle Florian Siffer, conservateur du Cabinet des Estampes et des Dessins. C’est la collection d’une vie, d’une vie à deux, construite au gré des opportunités. Primes annuelles, économies et autres ressources personnelles ont nourri cette passion commune, parfois au prix de véritables sacrifices pécuniers.
C’est grâce à l’héritage de Jeannine Poitrey que les deux amies acquièrent leur première pièce, une crucifixion baroque italienne peinte par Francesco Trevisani. Traversée d’une lumière surnaturelle, c’est un véritable chef-d’œuvre. « Imaginez, elle a consacré tout son héritage à un seul tableau… Ce qui est très beau » remarque Dominique Jacquot, conservateur du Musée des Beaux-Arts. « C’est une œuvre très importante dans leur vie à toutes les deux », complète Florian Siffer. « La dimension affective est le moteur de leur démarche, Marie-Claire Ballabio en parle d’ailleurs comme des “œuvres d’amour”. »
Strasbourg est désormais la seule ville de l’hexagone à posséder une peinture de l’Autrichien Marx Reichlich et le seul musée de région à compter un Luca Signorelli. Une petite toile fascinante, datée du XVIIe siècle, fait aussi office de pépite. Tout en clair-obscur, elle est rehaussée par la touche vive et saillante du peintre, Orazio Borgianni. La scène, dramatique, est comme modelée par le clair de lune. « Il est rare d’avoir une esquisse de cette date, et c’est encore plus rare quand elle est de la main d’un caravagesque ! En général, ces derniers peignaient directement sur la toile, sans travail préparatoire », explique Dominique Jacquot.
Du point de vue des œuvres sur papier, on compte également des enrichissements significatifs, qui viennent confirmer la singularité des collections strasbourgeoises dans le paysage national. « La donation, en créant de nouveaux échos, réaffirme également les liens organiques entre le Musée des Beaux-Arts et le Cabinet des Estampes et des Dessins », se réjouit Florian Siffer.
À partir du 24 février, à l’issue de l’exposition, l’ensemble des œuvres intégrera les collections respectives de trois musées de la ville, le Cabinet des Estampes, le Musée des Beaux-Arts et le Musée d’Art moderne. Il sera temps pour elles de commencer leur vie d’après, d’entrer en dialogue et de croiser leur histoire avec celles des œuvres déjà présentes dans les collections strasbourgeoises.
Une donation exceptionnelle. Tableaux, dessins et gravures de la collection Poitrey- Ballabio.
jusqu’au 24 février
La Galerie Heitz, Palais Rohan, à Strasbourg
Par Mylène Mistre-Schaal