Quand le réel rattrape la fiction
En réalité, pas mal avaient les yeux rivés sur l’horloge, mentionnant pour certains un train à prendre afin de rester dans les clous du couvre-feu établi à 18 h. Mais le simple fait de pouvoir se retrouver, se croiser au coin du masque et de la création, pouvaient s’interpréter à une forme de libération. « C’était triste de se dire qu’il n’y avait rien de montrable, reconnait la metteuse en scène. Finalement, c’était hyper important, même pour moi qui était dans la salle, de sentir les choses qui font réagir ». Il y a ainsi eu des éclats de rires, ci et là, pas forcément prévus sur le conducteur de la metteuse en scène. D’autant que Meeting Point ravive pas mal d’anciens souvenirs ayant trait à l’histoire mouvementée de l’Alsace et les origines de ses habitants. Au devoir de mémoire s’est greffé ce moment de pandémie, si singulier, au point de mettre la culture sous cloche. La dernière mouture du texte écrit par Dorothée Zumstein avait été rendue en mars 2020. Un lustre à notre échelle de confiné.e.s. « Je ne m’attendais pas du tout à ce que soit encore le sujet par rapport au fait qu’on jouait en janvier 2021, dévoile la metteuse en scène. Finalement, je me rends compte que là, c’est le réel qui rattrape la fiction ». À l’image de la dernière séquence de Meeting Point avec bruits d’hélico et médecin pressé de retourner au front.
Entre-temps, il a quand même fallu jongler avec un contexte pour le moins inattendu, voire versatile. « En tant que gens de théâtre, on est aussi des experts de l’irréel et de la fiction », s’accommode-t-elle. De cet entre-deux, les téléphones ont souvent été mis en mode silencieux. Pour atténuer la porosité avec le monde extérieur et préserver ce qu’il reste des conditions de travail. « Sinon on peut vite se dire qu’on laisse tomber et je pense qu’il ne faut vraiment pas faire ça ».
Par Fabrice Voné
Photos Dorian Rollin