La Boul’ange, on en est vite tombé amoureux. Comme Maurizio, le boulanger, tombé corps et âmes dans le levain après une reconversion. Mais l’envie était déjà là, depuis longtemps. L’Italien se souvient avec tendresse de son ami boulanger qui le faisait régulièrement travailler le vendredi. Il sourit encore à l’évocation de ces soirées de travail intensives avant de poursuivre ses week-ends, typiques d’une jeunesse dans le plus beau pays du monde (en toute objectivité). En 1989, il décide d’immigrer en France mais ne perdra jamais sa passion pour la gastronomie. Il a toujours eu un regard attentif sur son assiette et l’origine des produits. C’est une question d’éthique.
Le levain, un autre rythme
Et puis quand il aime quelque chose, il y va à fond, c’est comme ça. Sur le levain, d’ailleurs, et avant toute chose et de nous expliciter son parcours, il ne peut s’empêcher de nous faire un petit cours : « Le levain dégrade l’acide phytique, déstructure le gluten, rend le pain plus digeste et transforme le tout en vitamines. Le levain, c’est aussi un savoir-faire qui s’est perdu, la transmission ne s’est pas faite. » La faute à l’industrialisation et à l’impatience « le pain a perdu sa place d’aliment et est devenu un accompagnement ». Il faut tout, tout de suite, et que les produis se ressemblent. Tout l’inverse du levain qui demande du temps et qui porte en lui le terroir, le savoir, la patte du boulanger et peut-être même l’atmosphère du jour, qui sait ? Quand il n’est pas prêt, il n’est pas prêt, c’est comme ça. « C’est sûr, ça coûte moins cher de déballer un carton, mais la satisfaction de tout travailler moi-même me rend heureux, et puis, rien de mieux que la satisfaction des clients », explique-t-il. Mais le levain impose aussi de s’adapter (ne serait-ce qu’à chaque farine, à la température, au taux d’humidité) et même, de changer son rythme de vie.
Il est d’ailleurs intéressant de constater que la plupart des boulangers-patrons, fervents défenseurs du levain, sont passés par une reconversion : c’est le cas de Maurizio, ancien comptable, et aussi de Christophe Rostalski (Fournil Kristof), chez qui Maurizio est passé après une formation débutée à l’École internationale de boulangerie. Pour la cerise sur le gâteau, il a parfait ses études par un CAP Pâtisserie. Jusqu’au-boutiste et intransigeant, il fait aussi son propre caramel beurre salé et sa pâte à tartiner. Tout passe par ses mains. Tout. Comme si mettre les mains à toutes les pâtes permettait de retrouver le temps et le sens. Le lien quoi. « La façonneuse qu’il y avait dans le labo à notre arrivée, elle est partie. Les pâtes à pain sont tellement délicates qu’il faut travailler à la main. » Ça tombe bien, ça permet de tout sentir. Le levain dicte tout. C’est d’ailleurs presque un travail de chimiste.