C’est installés à l’ombre des glycines, au milieu d’un poétique bric-à-brac de tables bistrot, d’antiques buffets et d’un joyeux mélange de poteries alsaciennes et d’anciennes publicités décolorées par le temps, que commence la rencontre. Une belle rencontre. Une vraie rencontre avec un homme fort en gueule, la sensibilité en bandoulière, qui nous raconte l’histoire de sa fulgurante ascension, les chutes violentes qui ont émaillé sa vie et son infatigable énergie à se relever. C’est l’histoire passionnante et bouleversante d’un génie fatigué, ruiné, mais heureux.
Il découvre cette ancienne fonderie à l’époque où il cherche des tubes pour construire ses orgues. Un an plus tard, l’ancien propriétaire lui propose de racheter les murs: trois bâtisses à colombage, un atelier, une cour pavée envahie d’herbes folles. Le palais idéal de cet amoureux de l’Alsace à la recherche d’un lieu pour établir son atelier d’orgues et abriter sa collectionnite aigüe.
L’orgue de l’église comme refuge
Petit-fils et fils du créateur des jus de pommes Cidou à Mietesheim, le jeune Rémy, est un enfant à part, qui se réfugie dans son monde et qui très tôt refuse toute forme d’apprentissage. « J’ai l’oreille musicale, mais je suis sourd de l’oreille gauche. À 6 ans, quand mon père a voulu me faire chanter dans sa chorale et me faire apprendre la musique comme au conservatoire, j’ai trouvé refuge sous l’orgue de l’église. C’était ma planète ! J’adorais jouer avec ses sons, je m’enfermais à l’église le soir pour comprendre sa mécanique.» Le jour du bac, il joue encore les insoumis et va se balader en forêt. «Je ne voulais pas de ces savoirs établis, je n’ai aucun diplôme. Mon père se demandait ce qu’il allait faire de moi, mais j’ai eu la chance de croiser des profs “enleveurs d’élastiques”, tels Conrad Winter, au lycée technique de Haguenau. Ils m’ont aidé à trouver un chemin, même si je l’ai compris beaucoup plus tard. »