Après votre documentaire-portrait sur la danseuse étoile Aurélie Dupont en 2010, vous revenez à la danse avec En corps. Pourquoi avoir choisi de passer à la fiction pour traiter de cet univers ?
Cédric Klapisch : Avec la fiction, je raconte une histoire et j’ajoute de l’émotion. Le documentaire en véhicule également, mais il y a dans le film une espèce d’opposition entre la noblesse de la danse classique et le côté plus terre à terre de la danse contemporaine. Dans En corps, on retrouve des choses que j’ai découvertes en réalisant le documentaire et que j’ai eu besoin de développer pour les amener vers d’autres émotions et d’autres idées.
Vous débutez votre film par quinze minutes de plans entièrement musicaux mêlant un spectacle de l’Opéra de Paris et ses coulisses. Le langage du corps se passe de dialogues ?
Cédric Klapisch : On a vu des films muets, on sait que Chaplin dit beaucoup de choses sans utiliser de mots. Je me suis dit que si je faisais un film sur la danse, je voulais prendre le parti de laisser de la place à tout ce qu’on peut exprimer sans les mots, seulement avec les corps, les situations. Dans cette première séquence, on retrouve beaucoup de jeu, d’ambiances et tout ce que peut développer la danse sur le fait qu’on a des émotions en regardant des gens qui sont juste en train de bouger.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler aux côtés d’Hofesh Shechter, icône incontournable de la danse contemporaine ?
Cédric Klapisch : En 2018, on m’a demandé de faire la captation d’un spectacle sur quatre chorégraphes contemporains dont Hofesh Shechter. Depuis je n’ai pas arrêté d’assister à ses spectacles, on s’est aperçu qu’on a une vraie complicité. J’ai l’impression qu’il essaye de faire avec ses danseurs, ce que j’essaye de faire avec les acteurs au cinéma en étant proche de l’humain et en développant des choses très sensorielles. Il mélange l’humour à des choses poétiques, philosophiques et c’est ce que j’essaye de faire également. Notre proximité s’est confirmée à travers ce tournage.
Quel rapport aviez-vous à la danse avant de jouer dans ce film ?
Pio Marmaï : Je ne suis pas totalement extérieur à la danse, notamment par mes parents qui bossaient à l’Opéra de Strasbourg : mon père dans la scénographie, ma mère dans les costumes. J’avais accès aux ballets mais je n’y allais pas beaucoup. Ma compagne est danseuse à l’Opéra de Paris donc c’est quelque chose qui est assez familial. On est allé plusieurs fois voir des ballets avec Cédric sans même savoir qu’il allait faire un film sur la danse. Voir des gens danser, c’est quelque chose d’assez intime, c’est une question de sens aigu, ce sont des rencontres. Il y a quelque chose qui me parle, qui est assez spontané, qui peut être extrêmement subtil, violent ou maladroit. J’aime l’énergie que la danse demande et déploie.
Dans votre film, à commencer par Marion Barbeau dans le rôle principal, vous faites jouer de vrais danseurs, plutôt que des comédiens. Pourquoi ce choix ?
Cédric Klapisch : C’était une façon de me renouveler et d’aller vers des gens qui ne jouent pas de la même façon. On ne peut pas demander à un acteur de jouer Messi au football et on ne peut pas demander à une actrice de jouer une danseuse de l’Opéra de Paris. Dans le premier plan du film, on voit Marion Barbeau lever le bras, personne ne peut lever le bras comme ça.
Peu de temps après avoir surpris son compagnon dans les bras d’une autre danseuse, Elise est victime d’une déchirure du tendon. Selon vous, le corps et l’esprit sont étroitement connectés ?
Cédric Klapisch : Oui toujours et même si on se moque un peu de ce personnage joué par François Civil, tous les kinés savent qu’il y a un rapport entre ce qu’il se passe dans la vie des gens et leurs maux. Tous ceux que j’ai vu m’ont toujours posé des questions sur ma vie personnelle. C’est ce qu’on appelle le côté psychosomatique, on sait que ça existe. D’ailleurs dans le film, quand le médecin lui diagnostique une déchirure, Elise vient de se séparer de son copain. Je crois beaucoup au fait qu’il y ait un rapport entre ce que le corps et ce que les maux disent.