Ce film fait-il écho à votre propre adolescence ?
Elle en est le point de départ. Faire du cinéma est le rêve qui est venu après celui de devenir danseur, mon plan B en quelque sorte. Lorsque j’étais jeune, me rendre dans une salle plongée dans le noir afin de me laisser transporter dans un film était une manière de disparaître, une possibilité de fuir. Comme beaucoup d’entre nous, j’étais un adolescent qui avait le sentiment d’être en conflit constant avec les pressions de l’identité de genre. Le cinéma me permettait de ne pas être confronté à la réalité. Quand j’ai su que je voulais devenir réalisateur, j’ai d’abord écrit des scénarios d’horreur. C’est seulement plus tard, en voyant Brokeback Mountain que j’ai compris que le cinéma pouvait avoir un autre impact, il pouvait être un endroit où on se sent vu, où on se connecte et où on vit quelque chose ensemble qui peut arriver à une sorte de catharsis collective. J’ai alors eu envie de faire des films sur des personnages qui partagent quelque chose avec les spectateurs. Je fais des films sur des thèmes sur lesquels je ne pouvais pas parler en étant adolescent. Donc oui, le cinéma que je fais est très lié à mon adolescence. Dans Close, ce sont deux jeunes personnages qui sont confrontés de manière inédite à la pression d’un groupe. Ils découvrent le sentiment de vouloir appartenir. Quand j’écris, je commence par toutes ces choses personnelles dont je veux parler puis j’essaye de les regarder comme des choses universelles. Par exemple, l’amitié est une relation au centre de nos vies. Beaucoup de gens vont se reconnaître dans cette amitié qui change, qui se transforme.
Les deux rôles principaux masculins sont joués par des acteurs amateurs. Pourquoi ?
Le scénario raconte le passage de l’enfance à l’adolescence, ce moment très spécifique et très court de l’existence. Pour le casting, nous avions besoin de personnes de 12-13 ans qui traversent cette période particulière. Destin ou hasard, j’ai rencontré Eden Dambrine dans un train reliant Anvers à Gand. J’observais ce garçon assis à côté de moi, il était très expressif, il avait des yeux incroyablement grands, quelque chose d’angélique. Je me suis dit qu’il y avait vraiment quelque chose et je lui ai demandé s’il avait envie de faire un casting de cinéma. J’ai immédiatement vu sur son visage qu’il avait envie d’être le nouveau Johnny Depp (rires). Pour le casting, j’étais allé dans toutes les écoles, les classes de théâtre, les lieux où je pouvais trouver des jeunes qui seraient intéressants pour le film. Notre processus de casting a été assez particulier, on a passé des jours complets, avec à chaque fois un groupe de vingt garçons afin de leur laisser le temps d’évoluer, de grandir, de se sentir à l’aise. Dans un des groupes, Gustav et Eden sont arrivés ensemble et c’était très beau car il y a eu une alchimie immédiate. C’est comme dans la vie, il y a certaines personnes qu’il suffit de regarder et une magie se produit. Avec Gustav et Eden ce n’était pas seulement le talent, c’était aussi la possibilité d’une collaboration, d’une amitié. C’était beau et important pour ce film que d’être porté par cette tendresse entre eux. Car Close est aussi un film sur la tendresse, la sensualité et l’intimité dans l’univers masculin, ce dont on manque cruellement dans ce monde.