Mode et travaux : l'œuvre de Jeanne Bischoff

L’artiste strasbourgeoise Jeanne Bischoff tisse un fascinant corpus d’œuvres de papier en puisant dans des exemplaires de la revue « La Mode illustrée » (1860-1937). Un travail minutieux, compulsif, explosif, coloré et organique à découvrir au MAMCS dans l’expo « Être ou paraître » qui confronte son travail à des toiles, photos ou sculptures issues des collections du musée et des costumes de L’Opéra national du Rhin.

©Musées de Strasbourg / M. Bertola
©Musées de Strasbourg / M. Bertola

Bâton de pastel sec et pinceaux placés en ses mains, la toute jeune Jeanne impressionne déjà ses parents et instituteurs grâce à un talent « pour l’assemblage des formes et couleurs » qu’elle ne perdra jamais. Elle entre aux Beaux-Arts de Mulhouse (ex-HEAR) sans même avoir passé le Bac et se construit une cabane en guise d’atelier, un nid qui sied parfaitement à ce drôle d’oiseau qui refuse d’être enfermé dans une quelconque cage, aussi dorée soit-elle. Jeanne s’envolera ensuite vers l’Opéra de Paris et se jettera dans le monde de la scène, « du corps et de la voix » : scéno, jeu, danse, régie, chant lyrique, manipulation d’objets ou… réalisation de costumes en papier bulles.

©Musées de Strasbourg / M. Bertola

Au MAMCS, un dialogue est instauré entre des pièces de Léon Bakst, Marcel Broodthaers ou Victor Brauner et le travail de fourmi obsessionnelle de Jeanne Bischoff, à commencer par une sélection de dessins de « Faux costumes » datant de ses années mulhousiennes (1997-98). Elle se rappelle avec malice : « Les profs devenaient inquiets car je me suis lancée dans la réalisation forcenée de 200 aquarelles sur papier. » Une démarche méticuleuse, précise, entêtée…

Durant dix ans, elle met sa pratique plastique entre parenthèse – pour le théâtre, l’opéra, le ciné – mais y retournera en décortiquant des numéros de la revue « La Mode illustrée ». « Je sélectionne des éléments – un chapeau, un bout de pyjama, une dentelle, un détail d’éventail – que je scanne et photoshope. Je transforme ses éléments graphiques en allant jusqu’à 80 étapes de construction. Les images, les gravures d’époque, disparaissent totalement… »

©Musées de Strasbourg / M. Bertola

Des collages numériques et zooms informatiques qui ont la semblance de peintures, voire de motifs tissés hyper colorés. Comme un scientifique avec son microscope ou un chirurgien muni de son scalpel, Jeanne scrute le papier et son histoire. Elle invente des formes végétales, animales, organiques, vivaces, des personnages abstraits ubuesques qui se mettent à danser en des ballets Bauhaus chaotiques ou entrent en mouvement dans des ouvrages en pop-up ou leporellos panoramiques, romantiques et psychédéliques.

©Musées de Strasbourg / M. Bertola

Jusqu’au 04 août 2024
Musée d’Art Moderne et Contemporain
Dans le cadre de Strasbourg, capitale mondiale du livre
musees.strasbourg.eu


Par Emmanuel Dosda
Photos : Musées de Strasbourg / M. Bertola