E.S. — La dernière mue s’est opérée quand un client industriel nous a demandé d’être co-investisseur pour l’un de ses nouveaux bâtiments. Même si la démarche était nouvelle pour nous, nous avons été capables de lui répondre dans la semaine. Un autre client régulier nous a demandé de le suivre pour réaliser son antenne locale au Luxembourg. Ce chantier livré l’an dernier est une réussite pour tout le monde.
J.S. — Cela illustre un peu la façon dont se font certains de nos développements : un client ou un partenaire nous demande de le suivre, nous nous retrouvons sur un secteur géographique nouveau ou un marché inconnu, nous y apprenons une façon de faire, rencontrons des personnes de confiance, et prenons un peu plus conscience de certaines opportunités et de la manière de s’y impliquer. Et aujourd’hui, des démarches concrètes de développement au Luxembourg sont en cours.
E.S. — C’est toujours l’histoire d’une rencontre. Et cela rejoint une autre philosophie : celle du service au client.
Quelles ont été les évolutions significatives ?
E.S. — Il y a d’abord eu le passage d’entreprise de gros-œuvre à celle d’entreprise générale*. Nous avons alors commencé à nous positionner en interlocuteur unique, à prendre en charge l’ensemble du chantier, mais en ne réalisant nous-mêmes que le gros-œuvre, et en sous-traitant encore le reste des corps d’états.
J.S. — Puis il y eu la plus déterminante, celle qui nous confère aujourd’hui un réel atout : intégrer les savoir-faire principaux du secteur, et de produire la quasi-intégralité du projet. Nous sommes maintenant capables de maîtriser presque tout en autonomie, pour accompagner nos clients sur la totalité de leur projet, en maîtrisant les détails de l’ensemble des corps d’états, et sans être à la merci des fluctuations du marché, au niveau du prix comme du planning.
E.S. — C’est notre punch line. Quand on étudie un projet, on fait le lien entre la main de l’artisan et l’expertise de l’ingénieur, ce qui nous permet d’être plus efficaces en maîtrisant les deux bouts de la chaîne.
J.S. — Mais l’idée n’est pas de tout réaliser tout seul. Chacune de nos filiales doit apporter au groupe son réseau commercial, son expertise, et sa capacité d’intervenir à planning et à prix maîtrisés, et chacune d’entre elles doit rester compétitive et se développer par elle-même. De la même manière, le groupe avance au quotidien avec un réseau externe d’entrepreneurs partenaires sans lesquels nous ne pourrions pas réaliser ce que nous faisons aujourd’hui.
E.S. — Le dernier développement a eu lieu il y a 5-6 ans avec le lancement de Cical Synergie. Notre volonté a été une nouvelle fois de suivre les demandes de nos clients industriels, qui souhaitaient traiter avec un contractant intégrant en parallèle le process et le bâti. Nous avons créé l’outil pour répondre à cette demande. Aujourd’hui 46 ingénieurs et techniciens sont dédiés à ce secteur.
Vous avez très peu racheté d’entreprises, vous en avez surtout créées…
J.S. — Chaque création vient de la motivation d’un collaborateur de confiance pour un projet qui peut s’insérer dans le développement du groupe.
E.S. — C’est presque un incubateur ou une pépinière d’entreprises. Le groupe apporte les services supports, les structures réseaux et le financement, et le porteur du projet développe son activité avec l’accompagnement dont il a besoin.
J.S. — Mais à l’image des ETI [entreprises de taille intermédiaire, ndlr], le groupe a atteint aujourd’hui une taille critique, à partir de laquelle le maintien au quotidien d’une forte proximité, avec nos collaborateurs, nos clients et l’ensemble de nos services, devient de plus en plus difficile. Il est primordial pour nous de maintenir ces relations étroites, une caractéristique centrale de notre vision d’entreprise.
Comment voyez-vous évoluer le marché du BTP ?
E.S. — On a vécu la crise après 2008, qui a complètement dénaturé le secteur. Les grandes sociétés se sont attaquées à des petits chantiers, tout le monde a cherché à survivre. Certains changements sont aussi induits par le fait qu’on rénove toujours plus, car les agglomérations ne peuvent plus s’étendre indéfiniment.
Vous êtes une entreprise de taille intermédiaire : comment cela vous place-t-il dans le paysage économique ?
J.S. — Nous sommes fiers d’être aujourd’hui une ETI. De nous développer, de pouvoir répondre à des demandes plus complexes, à des projets plus ambitieux, en gardant simplicité et souplesse dans nos fonctionnements.
E.S. — En France, on observe avec admiration depuis presque 10 ans le développement économique de l’Allemagne, avec son maillage d’ETI. Mais on n’arrive pas à prendre la même direction. Ce positionnement fait notre identité, de même que notre sensibilité aux valeurs du capitalisme rhénan.
Le capitalisme rhénan ?
E.S. — C’est à nos yeux une forme plus vertueuse du capitalisme héritée du protestantisme, qui met en avant le rôle de l’entreprise dans la société et la vision à long terme. Nous deux, nous sommes juste de passage, notre rôle est de faire en sorte que l’entreprise soit la plus pérenne possible.
J.S. — Or c’est difficile aujourd’hui d’envisager les choses sur le long terme, car tout est fait de changement, de non-appartenance. C’est le résultat d’une société individualiste. Mais il est possible de développer une autre manière de faire les choses. Pour cela, on aime collaborer avec des gens qui ont le même ADN que nous. Il faut avancer de façon solidaire.
E.S. — D’autant plus que ce sont des valeurs, notamment le bien-être au travail, qui résonnent avec l’époque.
Comment assurer la qualité face à des pressions économiques toujours plus fortes ?
E.S. — Effectivement, il nous est aujourd’hui demandé d’améliorer la qualité (normes, labels, exigences clients…) tout en maintenant les coûts dans un contexte toujours plus concurrentiel… Nous répondons à cela en optimisant nos projets en amont, puis en nous appuyant sur des équipes de production aguerries, et en restant dans la recherche continuelle d’optimisation.
J.S. — Nous avons l’avantage de pouvoir nous appuyer sur deux chaînes vertueuses qui échangent au quotidien : l’une verticale avec le triptyque Chantier / Étude (ingénieur et technicien) / Direction, et l’autre horizontale, entre les divers corps de métier. C’est ce qui nous permet d’offrir un produit performant, c’est-à-dire un bon prix avec une qualité et un délai optimisés.
Quels rapports aviez-vous à l’entreprise quand vous étiez plus jeune ?
J.S. — On allait rarement dans les bureaux, mais il y avait quand même ce nuage au dessus de nos têtes…
E.S. — Dans la famille, on a tous des photos de nous sur des engins de chantier, on a tous fait des poutres en béton armé. Mais ce n’était pas vraiment un sujet avant qu’on entre dans l’entreprise…
Qu’est-ce qui vous en a donné envie ?
J.S. — Quand j’ai commencé à me demander ce que ressentait mon père quand il était au travail, je me disais que ça devait être excitant. J’étais conscient que c’était une chance de pouvoir m’asseoir dans cette locomotive. À vrai dire, je ne me suis même pas posé la question !
E.S. — Pour moi, le choix était induit par l’école : j’étais plus intéressé par les sciences, donc j’ai fait des études d’ingénieur. Et puis j’étais de nature entreprenante, libre-penseur, et je voulais être mon propre patron.
J.S. — Pendant une dizaine d’années, on a œuvré dans les divers services du groupe : achats, méthodes (qui prépare les chantiers), étude de prix, bureau d’études, conduite de travaux, contrôle de gestion, ressources humaines, service commercial…
Comment êtes-vous complémentaires ?
J.S. — Il me semble qu’il y a chez toi plus d’appétence pour le développement commercial, le montage technique du projet, la relation client. De mon côté, je suis plus dans le management, la gestion et le développement.
E.S. — Il faut aussi mettre en avant la complémentarité de l’ensemble des directeurs du groupe, de chacune des filiales et établissements secondaires de KS construction, comme des divers services supports. Ceci dit, on n’aime pas trop les étiquettes…
Qu’est-ce qui vous plaît dans ce métier ?
E.S. — Le fait de créer, de façonner quelque chose, d’écrire une histoire, en laissant une trace.
J.S. — Mais aussi le fait de développer une aventure humaine, en animant, en se remettant en question quotidiennement pour permettre à un groupe, à des équipes de collaborateurs, de s’épanouir professionnellement.
* L’entreprise générale réalise l’ensemble du chantier, même si elle peut faire appel à des sous-traitants. Le maître d’ouvrage (le client) et le maître d’œuvre (l’architecte) n’ont alors qu’un seul interlocuteur, et un seul contrat.
KS groupe
10, rue de l’Atome à Bischheim
03 88 19 14 44
Portrait Hugues François