Bendorf, la bière des copains

Il est une brasserie artisanale du cru qui fait parler d’elle du local au national, et jusque sur les meilleures tables : Bendorf, rue Jean Jaurès dans le quartier de Neudorf. Une vingtaine de références, 5 signatures permanentes, de la blonde à la brune, et toutes les autres en cycles éphémères, pour une production annuelle de 1 100 hectolitres. Cela valait bien une petite visite. Un reportage à retrouver dans notre premier hors-série L’artisanat dans l’Eurométropole de Strasbourg.

Benjamin Patswa de la brasserie artisanale Bendorf - ©Pascal Bastien
Benjamin Patswa. Brasserie Bendorf, quartier de Neudorf à Strasbourg. Photos : Pascal Bastien

Née de l’esprit aventureux de Benjamin Patswa, la brasserie Bendorf, c’est la contraction de Ben- et -dorf, pour Benjamin et Neudorf, le quartier dans lequel la bière est née, se développe et tient à rester. Après un parcours d’œnologue, il s’essaie à la bière avec un succès croissant depuis ses premières expériences en 2008, la création de la brasserie en 2013 et son succès aujourd’hui. Mais arrivés à la brasserie Bendorf, son créateur nous échappe. L’occasion de saisir que l’aventure est désormais collective.

Alors que l’équipe est en plein nettoyage de printemps, on improvise une visite avec les deux brasseurs acolytes de Benjamin Patswa : Felix Schiller et Matthieu Poggio, ainsi que Soizic Zemb, chargée de la distribution et de la vente. Avant toute chose, on hume et goûte l’orge malté à différents stades de torréfaction : pilsen bio, soufflet caramel ambré bio et soufflet chocolat bio. Préparé à Lahr en Allemagne, « parce que nous privilégions le circuit court », c’est l’ingrédient de base de la bière, en plus de ce qui lui donnera sa couleur. Pour en obtenir une bien sombre comme Les abysses de Baggersee, l’Imperial Stout, il faut ajouter 5 % de malt noir.

Brasserie artisanale Bendorf - ©Pascal Bastien
Félix, brasseur. Brasserie Bendorf, quartier de Neudorf à Strasbourg. Photo : Pascal Bastien

En salle des cuves, la condensation fait tomber quelques gouttes sur nos cheveux, en écho au bruit de la pluie au dehors. Pour obtenir 2 000 litres de bière, l’équivalent d’une cuve, deux journées de travail sont nécessaires. On constitue une farine grossière avec l’orge malté, qu’on porte de 64 à 68°C pour l’empâtage. Le tout est ensuite filtré : la partie solide sera redistribuée à des paysans, comme Jean-Louis et ses moutons qui, en échange, apporte des œufs.
On porte le moût obtenu à ébullition, à 90-100°C, pendant près d’1h15. On y ajoute le houblon en fin de cuisson, pour l’arôme ou l’amertume selon l’effet recherché. Lorsque la mixture a refroidi, elle est envoyée vers les fermenteurs à 20°C pour que les levures puissent travailler. Pour une IPA (Indian Pale Ale, bière à fermentation haute, généralement plus forte en houblon et en alcool), on poursuivra avec un houblonnage à froid, pour un arôme densifié. Deux brassins sont réalisés par jour, pour 3 journées de brassage au maximum par semaine.

Brasserie artisanale Bendorf - ©Pascal Bastien
Mathieu, brasseur de la brasserie Bendorf, quartier de Neudorf à Strasbourg. Photo : Pascal Bastien

Pour le passage en garde, la bière est clarifiée de sa partie solide puis mise en bouteilles ou en fûts pendant 1 à 2 semaines. On re-sucre la bière avant l’embouteillage, pour que les levures transforment le sucre en CO2 et fabriquent les précieuses bulles. 6 semaines sont nécessaires, de la conception à la dégustation. Certaines maturations longues peuvent rester 5 à 18 mois en barriques. Ces dernières auront préalablement abrité du vin – à noter, la belle collaboration récente avec le domaine viticole nature Kumpf et Meyer – ou du rhum comme la Wee Heavy pour un affinage optimal.

Les recettes des bières, surtout les cycles éphémères, sont élaborées de façon collective. Felix s’en réjouit : « J’ai tanné Benjamin pour faire une Lager : on va la faire ! » Rémi, le stagiaire, est là pour tenter de réaliser une bière au pain. Pour les noms et les étiquettes aussi, chacun a son mot à dire. L’identité graphique est d’ailleurs en train d’évoluer, notamment grâce à la jolie patte de l’illustratrice Paule Brun.

Si tout se vend aussi bien, du local au national, c’est en partie « grâce à l’application Untappd » : sur cette application, sorte de réseau social picolo où les buveurs de bières partagent leurs dernières trouvailles et dégustations, Bendorf a fait un carton d’audience. On dit aussi ici que c’est parce que la tendance est à la « bière de geek » : unique, d’exception, celle qui surprend. « On vit dans une époque qui préfère la qualité à la quantité. » Une culture à part entière ? On ne croit pas si bien dire. En plus de ses références, Bendorf propose aujourd’hui son festival – musique et bières à gogo – qui, à chaque édition, fait carton plein dépassant les capacités de la Maison bleue. Presque 3 000 personnes en 3 jours !
En 2019, Bendorf festival prendra donc ses quartiers à l’Espace 23 – toujours à Neudorf, bien sûr – pour toujours plus de bières (dont des invités de Tours, la Ptite Maiz’, pour un brassin collaboratif), des concerts, des food-trucks et un soft maison.

Brasserie artisanale Bendorf - ©Pascal Bastien
Photo : Pascal Bastien

À boire !

Bières permanentes et brassins éphémères : ces deux collections se vendent à prix modiques, de 2,50 € à 6€ la bouteille de 33 cl. La maison propose aussi des locations de tireuses et des « growlers » de 2 L réutilisables. Sur place, nous avons pu goûter la Queen of Langstross à même la cuve : une IPA douce-amère aux arômes d’agrumes qui met le palais en joie !


Bendorf Festival,
Du 3 au 5 avril 2020 à l’Espace 23 à Strasbourg Neudorf
www.brasserie-bendorf.fr


Par Marie Bohner
Photos Pascal Bastien