Éléa Pardo, styliste
Avec ses créations tirées au cordeau, la créatrice du jeune label strasbourgeois Éléa Pardo/Dans la peau replace les vêtements au coeur de leur espace-temps.
Un choix comme une évidence. Certes, le principe chronologique de cette rubrique nous menait à lui, mais nous avions d’autres options. L’occasion était trop belle, pour une fois, de faire coïncider la saison et l’opportunité de rendre hommage à ces parfums qu’on a tellement vus dans les rayonnages qu’on en oublie qu’ils ont aussi une odeur. Eau de Rochas ne charrie pas le glamour et les intentions auxquels on s’est habitué dans ces pages. Signé par un parfumeur inconnu pour une maison qui ne fait alors pas grand bruit, il débarque avec l’insouciance et la légèreté de ceux qui n’ont rien à perdre. L’Eau de Roche, telle qu’elle se nomme alors, est une cascade de fraîcheur vivifiante – parfaitement construite – qui ne prétend pas raconter grand-chose, ni sur l’histoire de la mode, ni sur l’image de la femme. Elle en dit ainsi beaucoup, justement. Parée d’un beau succès critique depuis sa sortie, elle a suscité étonnamment peu de littérature, peut-être justement à cause de cette simplicité affirmée qui ne laisse pas vraiment de prises.
Elle s’inscrit dans le sillage de l’Ô de Lancôme qui, l’année précédente, avait réinventé l’eau de Cologne, cet hydrolat d’herbes aromatiques, d’épices et d’agrumes macéré dans l’alcool et né au XVIIIe siècle. Le parfumeur Robert Gonnon diminue les épices, y ajoute un cœur de fleurs blanches et un fond chypré alors très en vogue, donnant à cette recette un peu commune une vraie persistance et une vraie personnalité. Une eau pionnière, à mille lieux à la fois des colognes de mémé et des parfums couture dont les 70’s ne veulent plus s’embarrasser. Mais peut-être encore trop classique dans sa construction.
Plus fine, mieux construite et surtout clairement unisexe, Eau de Roche s’enrichit de douce verveine, se corse de notes fleuries plus épicées (œillet et narcisse), se réchauffe d’ambre et de musc en notes de fond. Son départ est une vraie éclaboussure, combinant la vivacité juteuse du citron à la verdeur de la mandarine. L’été ne ressemble plus à celui des yéyés à Saint-Tropez, ni au Summer of love. Il a plutôt le bleu et le blanc éclatants d’une île des Cyclades, quelque chose à la fois d’intemporel et, donc, de parfaitement calé dans son époque…
Disponible aux Galeries Lafayette et au Printemps
Par Sylvia Dubost
Illustration : Laetitia Gorsy