Joffrey Schlatter, chef de cuisine gouailleur, sait de quoi il parle. Après avoir bourlingué d’étoilé en étoilé, l’appel de son épouse Nora, directrice générale d’une grappe d’adresses strasbourgeoises, l’aura conduit à se poser. La fin de l’ère covid est jugée propice à réorienter la cuisine du P’tit Brass et Joffrey est son homme. Ses conditions : rien d’alambiqué mais de la qualité. En salle comme en cuisine. Avec lui, pas de sous vide. Joffrey pratique une cuisine brute de saisons. « 95% de nos produits sont alsaciens », explique Pierre Sohm maître d’hôtel, autre âme de la maison. « Nous mettons nos producteurs en avant, on n’hésite pas à en parler aux clients… » Acte deux : s’entourer d’une équipe de battants : Pierre donc, vieux complice en costume à la classe bonhomme. Et puis Maxime, sommelier expert ès quilles biodynamiques, mais aussi Manon, pâtissière aux doigts de fée.
Si le chef se défend de livrer une cuisine gastronomique, tout y conduit. Mais sans chichi ! Pour les amuse-bouches alambiqués, il faudra repasser : à l’apéro, c’est saucisson-cornichons. La carte se livre sur une ardoise réduite dont les propositions copinent au fil des semaines avec les suggestions du moment. Côté légumes, Joffrey fait son marché en plein champ, n’hésitant pas à embarquer ses jeunes pousses, Valérian et Simon, au contact des maraîchers. Et si le poisson n’a rien d’alsacien, le chef privilégie petits bateaux et pêche de ligne, même par mauvais temps. Après, vient le talent. « Je n’aime pas qu’on s’ennuie », résume le chef qui mélange goûts et textures avec audace et justesse. À essayer : le Terre/Mer « âme à façon », avec son foie gras poêlé de la ferme de la Plume d’Or, son tartare d’huîtres pochées aux pommes et céleri ou le boudin snacké sans peau additionné d’un carpaccio de Saint-Jacques, navets, jus de coques et salicornes…
« Une cuisine française inventive aux portions généreuses mais aux prix contenus », résume notre homme. Les clients apprécient ce retour à l’art authentique du bien manger. À fond de train, Joffrey rêve de pousser le curseur un cran plus loin, dénicher une vaisselle made in Alsace, réintroduire la cuisine en salle… Mais chaque chose en son temps.