Culte : Classique de Jean Paul Gaultier

Le parfum Classique de Jean Paul Gaultier
Le parfum Classique de Jean Paul Gaultier.

En 1993, Jean Paul Gaultier sort son premier parfum, Classique, une caresse de poudre de riz associée à la puissance du gingembre. La même année, Estelle Pietrzyk reçoit en cadeau une boîte de conserve. « Pour une adolescente, ce coffret qui ne disait pas ce qu’il contenait et ce flacon qui ne ressemblait pas à un flacon fut une surprise enthousiasmante. L’idée de la femme que ce parfum véhiculait était plaisante et astucieuse. » Jean Paul Gaultier a voulu une femme universelle, voluptueuse, libre et audacieuse – citant au passage Elsa Schiaparelli et Andy Warhol – protégée par un écrin peu banal, une metal can pop art : « C’est un flacon sensuel. Les courbes du verre poli, le parfum couleur champagne rosé : c’est un objet pour les femmes qui n’évoque pas la femme objet. Ce fut d’autant plus marquant qu’à une époque où Kate Moss triomphait, une autre idée de la féminité était soudain possible. »
Avec sa vision singulière de la mode, Gaultier réinterprète les codes et les détourne avec humour, crée un dialogue entre style populaire et univers du luxe, fait défiler de « vraies personnes ». « Gaultier, c’est une certaine idée de la création. Les choses ne sont pas déconnectées les unes des autres, et dans le mélange, rien n’est “rangé“. Quand l’imaginaire s’associe à l’élégance, l’humour et la sincérité, c’est merveilleux ! Rien ne naît de rien, il faut rendre modestement hommage et s’ancrer dans le présent, alors c’est une réussite. » Pour elle, cet objet charrie aussi d’une certaine idée du design : « J’ai choisi un objet du quotidien et facilement accessible ; mes échanges avec Joana Vasconcelos [l’artiste portugaise travaille sur l’ordinaire, et a exposé au MAMCS en 2018, ndlr] ont modifié ma vision du design. Ce parfum est un objet très dessiné, et que tout le monde peut l’avoir chez lui. »


Par Valérie Bisson


Estelle Pietrzyk est directrice du Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg depuis 2008. Diplômée de l’IEP de Toulouse, puis formée à l’Institut national du patrimoine, elle fut la première conservatrice du Musée Soulages de Rodez.