Aviez-vous déjà couvert ce genre de conflits auparavant ?
J’ai décidé de devenir photojournaliste très jeune. J’avais 19 ans et je me voyais photographier des conflits. Donc je pars en Bosnie et en Croatie et c’est un échec photographique. Parce que j’arrive sur les lieux en première ligne mais tout est calme alors que je m’imaginais courir d’une tranchée à l’autre, ce qui était une idée complètement romantique et ridicule. J’ai compris que je faisais ce métier pour raconter des histoires et je n’ai donc plus du tout été confronté à la guerre. Je traitais de sujets autour de l’environnement, de la politique et du social. Quand Maïdan commence, la guerre revient dans mon univers et cela fait maintenant cinq ans que je retourne régulièrement sur les lignes de front. Mais cela n’était plus un désir de ma part. On est beaucoup de photographes et journalistes qui avaient l’habitude d’aller en Ukraine à se retrouver ainsi confrontés à la guerre sans la chercher.
Comment fait-on lorsqu’on se retrouve face à la guerre sans forcément l’avoir cherché ?
J’essaie de raconter et de prendre du recul par rapport à ce que je vois tout en pensant à ma sécurité car j’ai une famille. Je ne suis pas là pour montrer des gens en train de courir avec des kalachnikov. J’essaye de donner du contexte et de raconter la guerre autrement. Pour qu’on comprenne les choses sans être uniquement focalisé sur l’uniforme, l’arme et le mec dans la tranchée.
Qu’est-ce qui vous a marqué durant ce conflit ?
Même si je m’y attendais un peu, j’ai vu un pays tomber dans la guerre. Avec une centaine de personnes déterminées, on peut tomber dans le chaos. J’ai vu la fragilité des choses, d’un État et d’une société. J’ai aussi vu l’arrivée de la haine, de la foule qui cherche à tuer, c’est effrayant. D’un autre côté, on voit des gens qui continuent leur vie sur les lignes de front alors que la guerre est entrée dans leur quotidien.
Au début de la révolte de Maïdan, vous montrez les face-à-face entre les manifestants et les forces de l’ordre. Peut-on dresser un parallèle avec ce qui se passe en France dans le cadre des violences qui entourent les rassemblements des gilets jaunes ?
Je ne veux pas rentrer là-dedans car les deux situations ne sont pas comparables. Je ne veux pas faire de raccourcis. L’Ukraine a une histoire particulière. Elle a vécu sous un régime soviétique avec un taux de corruption particulièrement élevé. Chaque crise a sa particularité. La seule différence que je peux faire en tant que journaliste, c’est qu’à Maïdan, j’étais protégé par les manifestants.
Ukraine, de Maïdan à la guerre – photographies de Guillaume Herbaut
Jusqu’au 31 mars 2019 à Stimultania,
33 rue Kageneck à Strasbourg
Par Fabrice Voné