Rebecca Horn : Mécanismes sensibles

Corps-à-corps avec l’œuvre d’une artiste totale au Centre Pompidou-Metz à travers Théâtre des métamorphoses, exposition organique consacrée à Rebecca Horn.

Rebecca Horn
Rebecca Horn dans l’installation Le Délice des évêques à Münster (Allemagne), 1997

Quatre ans après la rétrospective consacrée à Tania Mouraud, le Centre Pompidou-Metz consacre une nouvelle monographie à une femme artiste, l’allemande Rebecca Horn. À l’instar de Tania Mouraud, celle-ci, qui a également fait ses débuts à la fin des années 60, a évolué à travers différents courants et pratiques artistiques pour mieux s’en libérer et explorer de nouvelles formes. C’est cette diversité et cette liberté, tournoyant autour de la question du corps et du vivant, que met en évidence l’institution messine. À noter que le Musée Tinguely à Bâle organise également, jusqu’au 22 septembre, une exposition dédiée au travail de l’artiste allemande, baptisée Fantasmagories corporelles.

À Metz, parallèlement aux installations, sculptures, dessins, photographies et films de Rebecca Horn, l’exposition offre en miroir les œuvres de quelques-uns de ses contemporains et inspirateurs tels que Brancusi, Dalí, Giacometti, Oppenheim, Duchamp, Ernst… un surréalisme aux multiples facettes qu’André Breton décrivait comme « une dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison ». À l’origine théâtre de l’intime et d’une blessure, celle subie lors d’une grave intoxication pulmonaire à l’orée de sa carrière, l’œuvre de Rebecca Horn, mêlant force et infirmité, désir et violence, harmonie et désordre évoluera vers un art ouvert sur le monde : du « corps carcan-cocon » jusqu’au corps collectif.

Rebecca-Horn,-Bee’s-Planetary-Map,-1998
Bee's Planetary Map, 1998

Transfigurations

En traversant un espace tout en longueur rappelant les scénographies des expositions d’automates, on assiste à autant de saynètes comme animées par des poltergeists. La Forêt des chanteurs hors-la-loi, Les Délices des évêques ou Le Cycle de Kafka, entre rêve et cauchemar, étrangeté et drôlerie, mettent en branle des objets a priori ordinaires et rassurants : l’esprit est bel et bien dans la matière.

En miroir, les œuvres Révolte dans la cuisine d’André Masson ou l’un des « objets à fonctionnement symbolique » de Salvador Dalí mettent en évidence la parenté entre le travail de Rebecca Horn et celui des surréalistes et des dadaïstes, dont elle ne se réclamera jamais directement même si la filiation apparaît évidente. Rebecca Horn se livrera par contre à quelques citations directes à la littérature surréaliste, avec Le Cycle de Kafka donc, mais aussi Le Rêve d’Artaud ou Amour et haine : Knuggle Dome pour James Joyce, hommages aux tourments de ces artistes-frères.

Rebecca-Horn,-Concert-for-Anarchy,-1990
Concert for Anarchy, 1990

Du rêve à la réalité

Poursuivant l’exploration des influences de Rebecca Horn, on découvre son goût pour l’alchimie avec son Hydra piano de mercure en mouvement perpétuel, puis celui pour la musique : le piano de son film Buster’s bedroom reprend vie en une cascade de notes et de touches se déversant à intervalles réguliers sur le visiteur.

Dans un dernier espace on découvre sa Planisphère des abeilles, évoquant la fuite et l’exil, symbolisant une prise de conscience politique en un déploiement final d’objets, de lumières et de sons qui met définitivement au service du réel toute une vie de fantasmagories. Naissances et transformations d’une œuvre étalée sur cinq décennies sont mises en scène au sein d’un « Théâtre des métamorphoses » où tout est imbriqué, vibrant en permanence d’une force poétique touchante et d’une folie totalement jouissive.


Rebecca Horn, Théâtre des métamorphoses
exposition jusqu’au 13 janvier au Centre Pompidou-Metz

Rebecca Horn, Fantasmagories corporelles
exposition jusqu’au 22 septembre au Musée Tinguely, à Bâle


Par Benjamin Bottemer