The Times They Are A Changin’
Vingt cinq années plus tard, la même association et les mêmes directeurs sont toujours à la tête de la salle. Patrick Schneider programme toujours les concerts, Nathalie Fritz gère l’administratif, Thierry Danet la communication, Christian Wallior assume la direction technique de la salle.
Pour le reste, l’histoire de La Laiterie s’écrit en parallèle de celle de la filière des musiques actuelles. Le label SMAC naît d’ailleurs quelques années après elle, en 1998, créée par Catherine Trautmann alors ministre de la Culture. Un label que la salle a obtenu puis perdu pour des raisons plutôt obscures puisque, au fil des années, elle avait aussi développé l’action culturelle et l’accompagnement des artistes, comme le demande le cahier des charges… Le passage de Mme Trautmann au ministère a contribué à la structuration de La Laiterie. « Ils se sont rendus compte qu’on était trop peu aidés », se souvient Patrick Schneider. Après 3 000 francs d’aide pour la soirée de lancement et des subventions au lance-pierre les années suivantes, La Laiterie peut aujourd’hui compter sur des aides à hauteur de 20-25% de son budget total – qui s’élève à 3M€, le reste étant des ressources propres – essentiellement de la part de la ville, puis de la DRAC, du Département, de l’Eurométropole de Strasbourg et, depuis cette année, de la Région Grand Est (30 000 €). Un montant modeste pour un équipement public et par rapport à d’autres salles. Il a toutefois permis d’employer 12 équivalents temps plein (au départ et pendant plusieurs années, Nathalie Fritz était la seule en CDI) et de stabiliser l’équipe depuis une dizaine d’années. Pour Patrick Schneider, « cette autonomie permet une grande souplesse ». Et surtout, en 25 ans, La Laiterie a assis une solide réputation auprès des artistes. Objectif : le top 3 français et le top 50 européen. « La Laiterie n’est pas une salle municipale, rappelle Patrick Schneider, c’est une salle d’envergure internationale », qui accueille en moyenne 80 000 spectateurs par an. « On nous a reproché d’être trop bunkerisé. À juste titre. Mais pendant les 15 premières années, on a joué notre survie. »
Pourtant, la salle est devenue clairement trop étriquée. Car, en 25 ans, elle n’a pas bougé elle non plus… Patrick Schneider rappelle que la plupart des salles équivalentes accueillent aujourd’hui entre 1 200 et 1 800 spectateurs, alors que la jauge de La Laiterie reste bloquée à 900. Avec l’augmentation du coût des concerts (pour contrebalancer la chute des ventes de disques), compliqué pour les artistes et les organisateurs de rentrer dans leurs frais avec une aussi petite billetterie. Patrick Schneider doit souvent sortir les rames. « J’explique aux artistes que La Laiterie a une âme. Ce lieu n’est pas aseptisé comme d’autres, et ça, ça nous sauve. Et puis on augmente aussi le tarif d’entrée, mai ça ne peut pas durer éternellement. » Sans compter que la salle est « rincée, essorée », pour reprendre les mots de Nathalie Fritz. « On a fait 180 à 200 concerts par an sur les dix premières années, rappelle-t-elle, alors qu’elle a été conçue pour en accueillir 100. On lui a mis 20 ans dans la vue. »