C.P. C’est romantique d’écrire la nuit, mais il n’y a pas de règles. Et puis, pour être franche, quand je suis devenue maman, le concept de nuit a un peu disparu.
Parlons de fête…
J.L. Ça a toujours été très fort dans Mansfield. Ça fait partie intégrante de ma vie et de mes valeurs.
Vous avez vraiment grandi ensemble. Comment votre duo a-t-il évolué ?
J.L. Quand on s’est rencontré, on était très jeune. Au fil des années – ça va faire 20 ans l’année prochaine –, on affine une méthode de travail qui est plus rodée.
C.P. On a toujours eu envie d’expérimenter ensemble. Avec le même élan mais des médiums différents. À chaque album, il y a de nouveaux instruments, là par exemple, le Cristal Baschet, le thérémine.
Pour retrouver le cri ?
J.L. Revenir à quelque chose d’organique et des tessitures hautes, pour faire contre-point aux basses.
C.P. Chaque album a son instrumentarium, c’est notre cabane sonore, protectrice. L’idée est de préserver une forme intimiste mais ouverte.
J.L. La scéno joue beaucoup en live. Elle n’a jamais été aussi aboutie [une toile tendue avec jeux de lumières et d’ombres, NDLR]. Pour que le fait d’être deux sur scène ne soit pas vu comme un défaut, pour nous aider à imposer quelque chose…
C.P. Le dernier spectacle que j’ai vu avant le confinement c’était Fase de Anne Teresa de Keersmaeker, où il y a un jeu d’ombres. Ça m’a beaucoup accompagnée pendant ce temps où on ne pouvait rien voir… Et puis, être deux fait qu’on nous a reproché d’être dans une formation presque trop minimaliste, mais c’est une volonté.
J.L. La forme duo, c’est trop fragile pour jouer à Dour ou aux Vieilles Charrues. Il faut un maximum de décibels et de scénographie pour prétendre à de plus grosses scènes.
C.P. Au début de Mansfield, Julia était à la guitare et moi au violon. Il y avait toujours cet a priori : un duo, ça devrait être une basse et une batterie. Alors que pour nous, l’intérêt est de suggérer des voix en musique. On a toujours été portées par un certain minimalisme.
Vous vous retrouvez sur Monument Ordinaire après un temps où avoir fait chacune votre chemin artistique [Julia Lanoë avec Kompromat, Carla Pallone avec des bandes-son pour le cinéma et le théâtre, NDLR], comment cela a-t-il nourri votre duo ?
J.L. Tout nourrit tout. Mais les vies d’à côté font qu’on ne se lasse pas. Là, on a mis plus de temps à se retrouver parce que la vie a fait que je n’étais pas hyper prête… Le fait de faire d’autres choses nous permet d’avoir vraiment quelque chose à dire. C’est un luxe de pouvoir prendre ce temps et de ne pas refaire un album dès la tournée terminée…
C.P. Chacune va plus loin dans ses découvertes et les rencontres en parallèle. Avec ces projets, on trouve notre équilibre. Il faut le temps de trouver le bon endroit et le bon moment pour Mansfield. On attend qu’il y ait une nécessité à dire des choses.
Propos recueillis le 17 novembre au Cul Terreux, après leur concert à La Laiterie.
Par Cécile Becker
Photo Thomas Lang