Pour la rentrée, Thierry Danet, directeur de La Laiterie à Strasbourg imagine deux scénarios : « Soit nous reprenons la programmation en septembre dans des conditions classiques d’accueil, sachant que nous avons déjà dû décaler 60 concerts et en annuler 10, cela impactera forcément la rentrée avec des phénomènes d’embouteillage, soit – et ce scénario peut tout à fait exister – nous devrons prévoir 4 m2 autour de chaque spectateur et réduire la jauge de la grande salle à 60 personnes. Pour l’instant, nous ne savons rien et nous faisons à partir d’informations qui sont susceptibles de changer deux jours plus tard… »
Si toutes les équipes parlent de difficultés économiques inhérentes à un tel scénario, elles sont très concernées par l’effet de telles mesures sur l’artistique. « Jouer avec un masque, voir face à soi un public disséminé, ce n’est pas la même expérience, les artistes n’auront pas envie », continue Thierry Danet. Alors en attendant, La Laiterie a mis en place une scène de concerts dématérialisée par le biais de sa page Facebook. L’artiste Medi avait ouvert le bal, le 5 mai, en mode télé-travail, le groupe local Lyre Le Temps (qui avait proposé des lives depuis un dressing pendant le confinement) poursuit l’expérience les 5 et 6 juin en jouant trois fois en 24h sur la scène de La Laiterie. Le concert sera enregistré, streamé sur Internet, 60 personnes pourront se tenir face à la scène en respectant, évidemment, les conditions sanitaires. Pour Thierry Danet, il s’agissait aussi de retrouver une certaine énergie : « Une salle inerte comme ça, c’est violent… Les gens attendaient que la maison ouvre, on n’en pouvait plus ! Nous sommes heureux de rebrancher La Laiterie, ce qui nous donnera aussi l’occasion de discuter avec les spectateurs sur place, c’est important. » La suite devrait émerger dans une poignée de jours, avec la possibilité d’engager un travail de résidence au long cours avec l’artiste du cru Rodolphe Burger. Mais pour le directeur de la crèmerie strasbourgeoise, « cette situation repose la question du projet, de la place de la culture, de la persistance, des formats, de la place des artistes… »
Dépourvu de lieu propre, l’association Hiéro Colmar, elle, innovait, dès la mi-avril, en déplaçant son festival Périphérique à la maison, selon ses propres termes. Via sa chaîne YouTube, l’association proposait divers rendez-vous avec les artistes programmés : des shows acoustiques, des playlists délirantes comme celle concoctée par Sunflowers autour de 70 obscurs groupes portugais, des dj-sets et des interviews fleuves à la cool avec les artistes. « On voulait quand même essayer de partager quelque chose », explique Franck. « Plus on avance dans le déconfinement, plus on commence à se dire que c’est foutu pour 2020 », poursuit l’administrateur de Hiéro Colmar. La structure multiplie les réunions (à distance) avec ses bénévoles pour tenter d’imaginer le pendant tout en devinant l’après. « On sent que notre métier se transforme radicalement alors qu’on œuvre à la base pour le rapprochement des gens. Mais on va continuer de proposer des choses », souligne-t-il. Quitte à se tourner davantage vers la scène locale, des formes pluridisciplinaires et, tout simplement, la création. Le Covid-19 comme accélérateur d’envies… Pourquoi pas ?
Par Cécile Becker et Fabrice Voné