Durant toute une journée, on a rencontré ces irréductibles artisans, qui nous ont parlé de leur art avec passion. J’ai admiré leurs créations, écouté leurs difficultés et je suis revenue avec cette conviction : ne suffirait-il pas que les Alsaciens retrouvent le chemin des échoppes de potiers pour perpétuer ce savoir-faire en voie de disparition ? Alors nous avons eu envie de partager ces rencontres avec des personnages hauts en couleur, l’ambiance de ces ateliers hors du temps et la beauté de ces deux villages pour raviver le feu de la poterie made in Alsace !
Une terre grise et bleue
Une immense poterie grise et bleue plantée au milieu du rond-point indique l’entrée de Betschdorf. Si vous cherchez un village de carte postale où admirer de belles maisons à colombages du XVIIIe siècle, vous êtes sur la bonne voie.
Mais pour rentrer dans notre sujet du jour, une visite au Musée de la Poterie s’impose. C’est une ancienne ferme avec ses dépendances, qui abrite ce musée attachant, où nous attend un couple de bénévoles passionnés. Astrid Wolfer et son mari, sont tombés dans la poterie, par amour de leur village. « Le premier potier de grès, venu de Rhénanie, s’est sans doute installé à Betschdorf en 1717, conquis par les gisements d’argile le long de la Sauer. Il a si bien dispensé son savoir-faire qu’autour de 1850, il y avait plus d’une soixantaine d’ateliers dans le village et quelque 600 potiers ! » Autour d’un vieux tour de potier, Astrid m’explique ce qui fait toute la différence entre les poteries de grès au sel de ce village et celles de Soufflenheim. « Les techniques de cuisson sont différentes. À Betschdorf, les potiers cuisent leurs pièces à 1250° et ajoutent du sel en fin de cuisson. C’est cette vapeur de sodium, mélangé à la silice, qui donne naturellement l’aspect vernis de ces poteries destinées à la conservation des aliments. »
Au fil des 9 salles du musée, on découvre des pièces historiques, des pièces rares données par des collectionneurs ou des habitants du village, et aussi comme un écomusée de la vie au siècle dernier. Quand la conservation des œufs, du vinaigre, de la bière ou l’égouttage du fromage se faisaient dans ces superbes poteries, simplement utilitaires, puis de plus en plus richement décorées de motifs au bleu de cobalt. Des initiales dans un cœur, tout un bestiaire symbole de fécondité, de délicats motifs floraux… les décors au bleu de cobalt sont dessinés avant la cuisson et révèlent ensuite tout leur éclat.
Une dernière salle du musée consacrée aux potiers en activité dans le village nous convainc de l’urgence d’aller voir sur place ces derniers des Mohicans. Difficile de croire qu’ils ne sont plus que 5, tant le village respire la poterie par tous ses pots.