Alélor, racines fortes

Nous sommes nombreux à nous régaler des arômes incisifs du raifort. Et pourtant, qui sait qu’Alélor, tout près de chez nous, à Mietesheim, s’impose comme l’unique entreprise de transformation de racines de raifort en France ?

La fabrique Alélor - Photo : Alexis Delon / Preview
Dans le coeur de la fabrique Alélor. Photo : Alexis Delon / Preview

Le “Meerretti”, vous connaissez ?
« C’est la dénomination alsacienne du raifort, littéralement « racine forte », dont chaque ferme de la région possédait quelques plants pour son usage personnel, mais dont la culture n’a vraiment débuté qu’en 1956. Originaire de Russie et d’Ukraine, il est très apprécié dans les pays d’Europe de l’Est, mais aussi par les Anglais, les Japonais et les Italiens », nous explique Alain Trautmann, à la tête de la maison Alélor rachetée par son père en 1997. Attaché à son terroir, cet Alsacien du Nord concilie avec brio tradition et dynamique pour donner des ailes à cette racine de plus en plus convoitée qu’il lance à la conquête des meilleures tables d’Alsace, de France et du monde.

Une marque aux goûts multiples
Mais Alélor, ce n’est pas que le raifort, c’est aussi la dernière fabrique de moutarde douce en Alsace. Les multiples recettes de ces deux spécialités historiques de la maison s’intègrent aujourd’hui à plus de 400 références dont une myriade de condiments, de l’ail des ours au ketchup alsacien, ou encore les authentiques recettes de cornichons et betteraves rouges aigres-doux. Au cœur de la vague gastronomique où chacun s’essaye à la créativité, la marque innove régulièrement pour satisfaire ces irréductibles au gré de six gammes hautes en saveurs. Solidement implanté en Alsace, Alélor est distribué dans toute la France, principalement en grandes surfaces. « La qualité de nos produits est reconnue. Nous exportons régulièrement en Allemagne, en Suisse, en Suède, mais aussi jusqu’aux USA et au Japon. » Mais revenons au raifort, notre meerretti, pour apprendre qu’ici à Mietesheim savoir-faire ancestral et goût du terroir ne sont pas de vains mots. Ils animent les 20 collaborateurs qualifiés et passionnés qui font vivre cette entreprise qu’Alain Trautmann nous invite à visiter en nous rappelant ses valeurs. « Avec une filière d’approvisionnement 100% locale depuis plus de 50 ans, Alélor est un acteur majeur de la conservation de l’emploi en zone rurale. Nous soutenons l’agriculture locale à travers la Coopérative Alsaraifort qui regroupe 20 agriculteurs dans un rayon de 20km, cultivant 150 tonnes de raifort par an sur 15 hectares, selon un rigoureux cahier des charges. Nous pouvons ainsi garantir une qualité exceptionnelle. Dans la même optique, nous travaillons avec la Chambre d’Agriculture pour réimplanter une culture de graines de moutarde en Alsace. » Autre valeur prioritaire, la préservation de l’environnement qui se traduit par des choix très concrets : traitement de l’eau, tri des déchets, installation de panneaux solaires, salariés résidant aux environs… « Le respect du terroir s’inscrit à chaque étape de la production. » Le climat sec et froid associé au sol sableux d’Alsace du Nord est idéal à la culture du raifort. « L’arôme et le piquant dépendent de la sinigrine, sa molécule très sensible aux conditions atmosphériques ». La plantation se fait à la main au début du printemps, et les racines apparaissent dès le mois d’avril. La récolte débute mi-octobre et se prolonge tout au long de l’hiver. « Chaque hectare représente 700 à 800 heures de travail ! »

Alain Trautmann, directeur d'Alélor - Photo : Alexis Delon / Preview
Alain Trautmann, directeur d'Alélor. Photo : Alexis Delon / Preview

Un délicat travail de transformation
Après récolte, les racines sont grattées, rassemblées en sacs puis stockées en chambre froide. Une ou deux nuits. Pas plus. Et c’est ici, dans le premier atelier, que commence le plus piquant de la visite. Au sortir des sacs, les racines sont triées et découpées manuellement en tronçons. La sinigrine se dégage – et attention, ça monte au nez et fait pleurer les yeux ! Elles sont ensuite lavées et épluchées une première fois à la parmentière, avant d’être reprises en main par une opératrice pour un re-épluchage minutieux destiné à garantir la blancheur légendaire du raifort Alélor. « 35 à 40% de perte à l’épluchage sont nécessaires pour n’utiliser que le meilleur de la racine. » La visite se poursuit, après pesage, lorsque le vinaigre blanc rejoint les racines. Le broyage s’opère sous vide pour éviter l’oxydation, en y ajoutant les ingrédients propres aux recettes. Seul le broyage à la meule de pierre permet d’obtenir la pâte lisse et homogène conforme à la tradition pour une saveur unique : piquante et très aromatique. Notons que tout le processus est réalisé dans la journée et à froid, sans colorants ni additifs. Passons à l’atelier de conditionnement et étiquetage : spectacle toujours fascinant du produit fini arrivant, sur deux chaînes, devant les cinq opératrices chargées de ce travail soigneux entouré des règles d’hygiène les plus strictes. En bocaux de verre, en tubes ou en pots, de 20g à 1,5kg qui seront entreposés dans « la salle aux trésors ». La découverte des ateliers de la dernière fabrique de moutarde douce en Alsace confirme l’intérêt de la visite. Chacun peut y goûter les précieuses graines de sénévé, brunes pour la puissance du goût, et jaunes pour la douceur. Leur subtil mélange détermine la finesse des arômes très typés de cette moutarde de tradition alsacienne dont le procédé de fabrication est bien différent de celui de la moutarde forte. Voir et sentir les graines broyées, puis meulées, mélangées au vinaigre et à l’eau avant de se transformer en pâte onctueuse aux couleurs de soleil, est une expérience magique. De saveurs et d’intensités différentes, la moutarde douce est travaillée en diverses recettes locales. Nature, au Riesling, à la bière, au raifort, au pain d’épices …à chacune sa personnalité. 1 000 tonnes de moutarde par an sont produites sur le site, avec 50% de graines cultivées en Alsace.

Découpe du raifort à Alélor - Photo : Alexis Delon / Preview
La découpe du raifort. Photo : Alexis Delon / Preview

Aux racines de la gourmandise
En fin de visite, retour au magasin d’usine où gourmands du Kochersberg, Strasbourgeois et touristes échangent commentaires et recettes dans une franche cordialité. « C’est le seul endroit où l’on peut découvrir l’intégralité des gammes Alélor et en plus, c’est moins cher », nous confie une addicte de la pure tradition de l’aigre-doux perpétuée par Alélor. Ce sera aussi l’occasion de découvrir les produits d’épicerie fine de la marque Domaine des Terres Rouges présente sur le site, ou toute une sélection de nouveautés des principaux partenaires de la marque Alélor au sein du Club des Saveurs d’Alsace. Une passionnante et délicieuse idée de sortie en famille ou entre amis.


Alélor
4, rue de la Gare à Mietesheim
03 88 90 31 85


Par Chantal Raiga
Photos Alexis Delon / Preview