La reverdie. « Une pièce qui célèbre le retour de la belle saison, décrit Wikipédia. Un genre poétique » suspendu au printemps. « Le renouveau », ajoute Pierre Roux, l’artisan et le fondateur de cet atelier de maroquinerie. « Une marque », assume-t-il. La Reverdie, comme une ritournelle aussi : ces gestes qu’on répète continuellement, avec soin et sensibilité. On pense à l’artisanat bien sûr et la musique tournant discrètement au fond de l’atelier et dont une icône, Miles Davis, trône sur les murs en hauteur, le doigt sur la bouche comme pour nous demander de nous taire.
Derrière une discrète porte de garage, tout ici enjoint à la concentration et a minutieusement été aménagé, par étape. Et la fabrication, le travail du cuir à proprement parler, en compte treize, des étapes. Mais avant que la magie sur la matière n’opère, il y a toute la partie que l’on ne voit pas : celle de l’élaboration du modèle et du prototype. À l’image d’un designer et d’un styliste à la fois, Pierre Roux dessine d’abord l’objet, ensuite il faudra éprouver les formes et les plis, tester et refaire, invariablement. Ce travail suppose des essais, de la projections, des erreurs, jusqu’à arriver au modèle tel qu’on l’imagine et à une fonctionnalité désirée : « On ne se rend pas compte, mais une pièce de maroquinerie, c’est assez complexe et il y a beaucoup de contraintes », explique Pierre. Notamment celle de la matière première, le cuir, matière noble donc onéreuse qu’il faut manipuler avec parcimonie.
Réfléchir et tendre vers l’économie de gestes, respecter la matière, infiniment. Hors de questions de multiplier les prototypes. Il n’y en a d’ailleurs que très peu dans l’atelier : quelques sacs qui présagent d’une belle collection à venir inspirée par les tote bags. Pareil pour les chutes : « Ça n’existe pas, c’est un discours ». Il les transforme en porte-clés, en bracelets ou en passants pour les ceintures. Alors quand la manipulation de la matière arrive, autant dire que tout est réglé comme du papier à musique.
La découpe à l’emporte-pièces (fabriqué sur-mesure en Normandie) d’abord. Pour un porte-cartes, l’avant et le dos, puis la refendeuse, une vieille et belle « locomotive » datant des années 70 – parce que ses machines, Pierre Roux les sélectionne avec soin et les bichonne. Et il fait bien parce qu’être maroquinier c’est aussi être capable de mettre les mains dans le cambouis pour dépanner les caprices et pannes, répondre à l’inattendu, tout le temps. Puis, on désépaissit, on biseaute, avant de presser le cuir à chaud et de lui donner son logo ou ses initiales, une personnalisation régulièrement demandée par les clients. On encolle, on renforce (« tous les objets que je fais sont doublés et renforcés »), puis vient le travail d’assemblage, de couture, et de peaufinage. Tout se joue dans la finition : les fils de couture apparents, le martelage pour dresser le cuir après le passage de l’aiguille de la machine à coudre, le filetage ou la teinture de la tranche. Précis et minutieux. Dans le travail de maroquinerie, il y a un peu de tout : du stylisme, du design, de la couture, du façonnage, de l’assemblage ; on passe par toutes les phases jusqu’à l’objet fini.