Les Intenables, les alchimistes de la bière

Les Intenables, on doit bien l’avouer, on n’en avait que très vaguement entendu parler. À l’origine de cette micro-brasserie, un trio de trentenaires : Jérome Lauth, Alice Roche et Julien Brand. Leur affaire démarre en 2019 dans un hangar de Mundolsheim.

Portrait de Jérome Lauth et d'Alice Roche. ©Pascal Bastien

« C’était un vrai coup de poker », concède Alice avec le recul. Et ça aurait pu finir en flop total, puisque deux semaines à peine après les premières mises en fût, le confinement sonne à la porte et ferme celles des bars, où ils pensaient écouler leur stock. « Les six premiers mois, il a fallu s’accrocher », sourit la jeune brasseuse. Ce sourire, elle peut maintenant le garder, car le pari est plus que réussi : trois ans à peine après ce début mouvementé, Les Intenables est devenue une référence en matière de bières de spécialité, ces bières dites de style, IPA, Imperial Stout, Baltic Porter, au goût plus prononcé.

©Pascal Bastien

Chouette, des cannettes 

La micro-brasserie a d’ailleurs dû déménager, trop à l’étroit dans ses locaux de Mundo, et s’affaire désormais à encanner ses bières dans un hangar de Rosheim. Car les bières des Intenables ne s’achètent qu’en cannette : « le meilleur contenant pour les protéger de la lumière et de l’air ». Toutes ? Pas tout à fait, puisque la dernière lubie de nos brasseurs intrépides sera bel et bien embouteillée. Cette nouvelle bière un peu spéciale est dite à fermentation semi-spontanée. « On a récupéré un foudre vieux d’au moins 50 ans chez un vigneron de Dorlisheim, qui n’a toujours vinifié que du vin blanc d’Alsace, explique notre alchimiste. Il y a huit mois, on l’a rempli d’une bière type bière de saison, qu’on n’a laissé fermenter que deux-trois jours en cuve. » Une semi-fermentation qui s’est ensuite poursuivie à l’intérieur du foudre, grâce à la flore microbienne du vin, dont le bois est encore imprégné.

©Pascal Bastien

Cuvée perpétuelle

« Grâce à ces levures sauvages, la bière va développer ce qu’on appelle une acidité lactique, celle que l’on peut retrouver dans le kéfir. C’est une acidité assez franche, nette, comme celle du vin blanc. » Le breuvage ainsi obtenu sera ensuite mis à macérer avec des fruits de saison, des cerises alsaciennes, du pinot gris en grappe, des mirabelles lorraines… les possibilités sont infinies. « Les bières en foudre ou en barrique, c’est un peu la madeleine de Proust du brasseur », précise Alice, qui en raison de sa casquette de gestionnaire d’entreprise, n’a plus tellement le temps de mettre les mains dans le brassin. Ce projet c’est un peu sa récréation. « Ce sont des bières de niche, qui se dégustent comme des vins, et qui comme eux peuvent se garder des années entières en cave. » Des bières perpétuelles aussi, puisque comme pour le vin, le foudre est constamment rechargé, comme une addition de millésime.


8, rue Jean Marie Lehn, à Rosheim
@lesintenablescraftbeer


Par Tatiana Geiselmann
Photos Pascal Bastien