L’utopie de la douceur
En son cocon temporaire, parmi toutes « les choses qui habitent positivement les yeux », des objets ramenés à Strasbourg – un 33 tours moscovite, des coquillages ancestraux « de 100 millions d’années », des mini-chaussons biélorusses (offerts par des artistes exilés dans le cadre d’un dispositif d’accueil à réitérer à la HEAR) – il y a des bouts de plâtre, de chaux ou de béton placés dans un bocal étiqueté « Prélèvement volume ». Nous remarquons également un bob en wax, relique bariolée issue de l’expo « Effondrement des Alpes » : c’est un des éléments de l’installation/performance de Toma Muteba Luntumbue (professeur de textile en Belgique) autour d’un rituel collectif inspiré du Bobongo, une cérémonie évolutive des Ekonda du Congo, durant laquelle les hommes et leur environnement fusionnent et relancent les forces de vie après un décès ou un drame. « Comme l’artiste SMITH, actuellement à la Filature à Mulhouse, je pense qu’il faut arrêter de penser de manière dialectique, en finir avec les logiques de centre et de périphérie ! »
L’institution, la complexité et la permaculture
Le nouveau directeur cherche à donner des impulsions, pas des ordres. « Il faut inventer un mode de gouvernance collégiale, pour en finir avec la vision technocratique de l’école en tant qu’institution. Je ne suis pas naïf ou angélique et je connais bien les rouages administratifs de ce type d’établissement », affirme Stéphane qui nous tend un livre posé près de son lit, sur une table de nuit de fortune (normal pour celui qui défend le recyclage et les modes de production écolo au sein de l’école) : Le conflit n’est pas une agression, calligraphié en majuscules or sur fond noir. Cet ouvrage de Sarah Schulman « théorise et autorise le fait qu’on ne soit pas toujours d’accord – même esthétiquement – sur un sujet. Il faut en débattre, vivement, si c’est nécessaire. J’ai une approche permaculturelle de la différence et je refuse d’être un idéologue avec 800 étudiants et autant de voix discordantes. » La biodiversité ? Obligée, aux yeux de Stéphane, qui laisse de la place à toutes les pensées, même s’il y a des moments de friction et que « ça fighte ».
L’affaire du porte-manteau
Le lendemain de notre visite, je reçois ce message : « J’ai réparé mon porte-manteau, juste après que vous m’ayez quitté, en environ une minute trente : deux chevilles, un coup de tournevis et hop ! » Les Alpes s’effondrent, les glaciers fondent, le peuple gronde, les missiles tombent, mais Stéphane Sauzedde garde la foi et met tout en œuvre pour soigner. Réinterprétant Félix Guattari, il revendique « une utopie de la douceur, une écologie politique, avec des organes de construction, de discussions et de décisions collégiales au sein de l’école que je vois comme un endroit de fabrique, où l’on apprend des méthodes à appliquer plus tard dans la vie professionnelle. » Pour lui, « l’intime est plus que jamais politique. C’est la raison pour laquelle je vous ai invité ce samedi matin, chez moi. » Des mots, rien que des mots ? Après débriefing, nous y croyons. Selon notre sondage, non validé par l’Ifop, le nouveau directeur ferait l’unanimité à l’école.
Bon départ !
Le week-end des diplômes a lieu du vendredi 30 juin au dimanche 2 juillet 2023.
Le festival Psssst (diplômes de l’atelier Scénographie) se déroulera en divers lieux du quartier de la HEAR, à la Krutenau.
Haute École des arts du Rhin
1 rue de l’Académie à Strasbourg
hear.fr
Par Emmanuel Dosda.
Photos Christophe Urbain.