Exposition : Muette, la carpe ?
En 1878, Émile Gallé produit son chef-d’oeuvre "Le Vase à la Carpe", devenu emblématique des collections du Musée du verre de Meisenthal et la pièce maîtresse de l’exposition "Muette, la carpe ?" jusqu'au 30 décembre.
En ce dimanche de changement d’heure, il est 11 h ou midi, selon les pendules du bar du Sofitel à Strasbourg. Charlotte Gainsbourg commande un thé vert et un double expresso avec de l’eau chaude et des glaçons : « J’ai un problème avec la température des boissons », admet-elle. Entretien sans tiédeur à l’occasion de la sortie de La Vie pour de vrai de Dany Boon.
Vous n’habitez plus à New York ?
Je me sentais trop loin de ma famille, de mes valeurs. Après l’épisode du Covid, la violence de Trump et l’affaire Floyd, j’ai ressenti un besoin d’Europe : avec Yvan et nos trois enfants, nous sommes retournés en France. Ça n’a pas été facile, l’après-coup, ce calme suivant la tempête, m’a conduit à la dépression…
Dans La Vie pour de vrai on voit une capitale française de carte postale, puis une vision CNews de celle-ci, à feu et à sang… Quel est votre Paris ?
Je suis très nostalgique du Paris des années 1980, époque de mon premier amour de cette cité. C’était le moment de la séparation de mes parents : je prenais le métro seule, allant du XVIe où vivait ma mère pour aller chez mon père, rue de Verneuil. C’était magique : papa m’amenait dans des drugstores pour acheter des gadgets ridicules, comme un gosse, ou dans des boutiques pour dégoter des VHS en import américain : on se faisait des projections à la maison.
Vous viviez dans le luxe ?
Oui, mais même au Ritz ou au Raphael, mon père gardait des yeux d’enfant. Il m’a transmis sa spontanéité, son absence de snobisme… Je suis née à Londres, mais je me sens totalement Parisienne ! On dit beaucoup de mal des Parisiens, mais ma vision est déformée car on m’offre beaucoup de sourires, de cadeaux… [Un pouêt-pouêt retentit : Daphnée, la chienne de Charlotte, magnifique bull terrier blanc, s’énerve sur une bretzel en caoutchouc donnée par l’hôtesse d’accueil de hôtel.]
Dans le film, il est beaucoup question de simplicité et d’humilité. Des mots qui vous définissent ?
L’humilité oui, mais j’y était forcée. Les gens aiment d’abord mes parents… qu’ils respectent avant tout. J’ai toujours été dans l’obligation d’entendre ce message-là.
Qu’est-ce qui traverse le temps ?
Le manque. Ça s’apaise, mais ça reste. Serge [Gainsbourg] et Kate [Barry] manquent terriblement à toute la famille.
Et l’art ?
Oui, la musique traverse également le temps, celle de Bach par exemple : elle est à la fois dynamisante, relaxante et exaltante. Bach provoque quelque chose de l’ordre de l’équilibre chez moi.
Égérie d’Yves Saint Laurent, comédienne, chanteuse… Dans quelle catégorie vous sentez-vous le plus légitime ?
Le cinéma, sans hésitation.
Au ciné, vous faites d’incroyables grands écarts entre Chéreau et Gondry, Lars Von Trier et Dany Boon…
[Venu de nulle part – en fait de sa chambre d’hôtel – Dany Boon débarque pour demander à Charlotte de se dépêcher : il faut vite déjeuner et reprendre la route.] Chez Lars Von Trier et Dany Boon ? Je suis une nympho dans les deux cas [rires] ! J’aime beaucoup participer à différents univers. D’un tempérament calme, timide, réservé, je ressens un fort besoin de sensations d’extrêmes.
Vous avez été servie avec Lars Von Trier…
On peut dire ça, oui ! Les réalisateurs sont des excuses, des prétextes pour me permettre de sortir de moi-même, de ma personnalité.
Vous souvenez-vous de votre première ivresse ?
Oui, une cuite mémorable lors d’une fête sur le tournage de L’Effrontée de Claude Miller. J’avais 13 ans et j’avais mis de la vodka dans ma bouteille d’eau ! J’ai essayé d’avoir l’air normale une fois rentrée chez ma grand-mère, mais je titubais lamentablement… [C’est au tour de Kad Merad de nous interrompre et ainsi clore le sketch entamé par Daphnée : « Désolé, mais on ferme ! » OK, vite, une dernière question.]
C’est quoi la vie pour de vrai ?
Aucune idée : je flotte entre rêve et réalité en m’y accommodant totalement.
La Vie pour de vrai de Dany Boon (avec Dany Boon, Charlotte Gainsbourg, Kad Merad) à l’UGC Ciné Cité Strasbourg (sortie le 19 avril).
Par Emmanuel Dosda
Photo Dorian Rollin