Exposition : Muette, la carpe ?
En 1878, Émile Gallé produit son chef-d’oeuvre "Le Vase à la Carpe", devenu emblématique des collections du Musée du verre de Meisenthal et la pièce maîtresse de l’exposition "Muette, la carpe ?" jusqu'au 30 décembre.
Timothée Ostermann fait sa rentrée des classes. Dans L’Artiste à mi-temps, sa dernière bande dessinée sortie le 24 août, l’auteur-dessinateur originaire de Saverne se découvre assistant pédagogique dans un lycée professionnel, entouré d’ados ingérables et confronté aux galères du monde du travail.
À 30 ans, Timothée Ostermann semble avoir déjà vécu plusieurs vies. Tour à tour employé de supermarché, en immersion dans un salon de tatouage ou encore footballeur amateur, ce dessinateur de BD a fait de son quotidien la toile de fond de ses albums. Ses récits s’inspirent d’expériences vécues un peu malgré lui et, chaque fois qu’il se retrouve « catapulté » dans un nouvel univers, il en profite pour en croquer les coulisses et les acteurs. Dans L’Artiste à mi-temps, son quatrième album qui paraît aux éditions Sarbacane, il est assistant pédagogique dans un lycée professionnel.
« Pour moi, c’était un endroit très exotique, explique-t-il. J’ai grandi à la campagne et étudié dans un lycée bourgeois qui n’a rien à voir avec celui où j’ai travaillé. Le public n’est pas du tout le même en lycée professionnel. C’est cette espèce de grand écart entre moi et les élèves que je trouvais intéressant ». Pendant une année scolaire, son quotidien est rythmé par les allées et venues des élèves au CDI et les rencontres parfois lunaires qui en découlent. Se moquant tout autant de l’hostilité des jeunes entre eux que de son propre manque d’initiative et d’autorité, il raconte aussi ses difficultés à s’adapter à cet emploi aux antipodes de ses aspirations d’artiste. Une situation dans laquelle se reconnaîtront beaucoup de jeunes diplômés. « En sortant d’une école d’art, quasiment 80 % des gens ont un emploi alimentaire, souligne Timothée Ostermann. De mon côté, ça va parce que je fais de l’illustration et j’ai des moyens assez concrets de gagner de l’argent mais si tu fais de l’art contemporain, tu te retrouves vite serveur, pion ou employé dans un supermarché. Je pense qu’il y a beaucoup de gens dans ce milieu qui ont été artistes à mi-temps, et je parle par expérience. »
Déjà dans sa première bande dessinée, Voyage en tête de gondole (2016, Fluide Glacial), un job d’été au sein d’un hypermarché lui donnait l’occasion de raconter l’envers et les travers de la grande distribution, tout en décrivant ses rencontres les plus improbables. Mais le dessinateur nuance : « Je ne fais pas de documentaire, je fais de l’autofiction. C’est-à-dire que je me mets en scène et je mets en scène les autres. Il y a toujours des personnages qui existent plus ou moins et d’autres qui sont inventés. » Même démarche avec Football District (2018, Fluide Glacial), alors qu’il plonge ses lecteurs au cœur du club de football de Marmoutier, créé par son grand-père et par lequel sont passés tous ses frères avant lui. Ici, pas de match épique à commenter, c’est du côté des vestiaires, des pauses clopes en guise d’échauffement et des soirées de consolation au club-house qu’il tire ses anecdotes et exacerbe les clichés. Toujours avec humour, il met en scène ses coéquipiers et rend hommage à ceux qui font vivre le football associatif.
Car pour Timothée Ostermann, le foot, c’est l’histoire d’une vie. Abonné au Racing Club de Strasbourg « en tribune populaire » et illustrateur régulier du magazine So Foot, il a signé en 2020 l’une des onze couvertures de notre hors-série Un seul amour et pour toujours dédié au RCS. Après avoir créé des écharpes à l’effigie du FC Marmoutier, où il vient de raccrocher les crampons, il récidive cette année en signant trois nouvelles écharpes pour le Racing.
Avec quatre albums de BD à son actif, le dessinateur a affiné son trait, fait évoluer son style et glissé vers une narration de plus en plus personnelle. À l’image de Carpe Diem, sa dernière parution chez Fluide Glacial en 2019, où une immersion dans un salon de tatouage devient une véritable quête initiatique, sur fond de rupture douloureuse et questionnements existentiels. « Dans mes premiers albums, je me plaçais en observateur mais, petit à petit, je révèle plus d’éléments de ma vie. C’est moins neutre qu’avant », confirme-t-il. Avec L’Artiste à mi-temps, il poursuit sur cette lancée et offre un récit qui navigue sans relâche entre dérision et introspection.
Pourtant, il déclare vouloir se détourner de l’autofiction et présente cette nouvelle bande dessinée comme la fin d’un cycle : « Je perçois de plus en plus les limites de cette mise en scène, révèle-t-il. Je l’ai fait une dernière fois pour cet album parce que ce genre d’expériences de travail me donne énormément de matière, de choses à raconter, mais je ne pense pas le refaire. J’ai assez raconté ma vie et j’ai arrêté de travailler. En ce moment, c’est la fiction pure qui m’attire. » Ça tombe bien, il est désormais artiste à plein temps.
Timothée Ostermann sera à la libraire Le Tigre à Strasbourg le 10 septembre de 15h à 19h avec la dessinatrice Émilie Clarke à l’occasion d’une double-séance de dédicaces. On le retrouvera ensuite à la librairie Totem de Schiltigheim le 17 septembre de 11h à 12h30.
Par Manon Landreau
Photo Patrick Lambin