Un homme en colère : Michel Cloup et sa lecture musicale

Michel Cloup a marqué les années 90 hexagonales avec son projet Diabologum, groupe à (re)découvrir absolument pour la portée politique de sa musique. Avec le trio chaud-brûlant Despentes/Dalle/Casey, il ouvre pour Strasbourg Capitale Mondiale du Livre une lecture musicale dédiée aux auteurs·trices féministes. Café. Clope. Magnéto. Entretien avec un artiste qui n’a rien perdu de sa rage adolescente. 

Autoportrait de Michel Cloup.

« Je n’avais plus de voix. Un animal en panique pris dans les phares d’un véhicule invisible avec pour seul refuge cette colère. » Ressentez-vous toujours Cette Colère qui « a le vin triste en plus du goût du sang » ?
C’est un carburant ! Je ne vois pas pourquoi elle baisserait : nous semblons aller vers le pire. On fonce « tranquillement » droit dans le mur, comme si de rien n’était. On continue notre course effrénée en direction du vide. La colère ne me quittera que lorsqu’on vivra dans un monde tolérant, égalitaire, juste… La nouvelle génération le connaîtra peut-être car elle est porteuse d’avancées idéologiques, mais pas moi. 

Vous partagerez le plateau avec Virginie Despentes, Béatrice Dalle et Casey, trois autres artistes en rogne, contre le patriarcat notamment.
Oui, il y a une vraie logique d’affiche, même si je m’intéresse à toutes les formes de lutte… d’abord contre moi-même. Je ne juge pas le monde, je le vis, comme un crabe dans un panier. Je parle de nos combats, nos échecs, sans donner de leçons. Je ne suis pas un artiste « engagé » qui se sert de son discours de gauche pour vendre des disques.  

Le morceau « La Maman et la Putain » de Diabologum se constitue du monologue culte du film de Jean Eustache sur fond de guitare. Cette tirade parle de la condition d’une femme du début des années 70…
Cet extrait n’est pas féministe mais il exprime un sentiment fort, intime, et questionne la condition humaine. Veronika, interprétée par Françoise Lebrun, vide son sac, sans fard. Le morceau est passé sur France Inter il y a quelques années et la réaction des auditeurs a été assez virulente. Je trouve ça bien que les gens réagissent : notre époque est d’un ennui abyssal.

À quelle personne aimeriez-vous écrire en commençant par « Cher connard » ?
À un mec de mon âge, mon sexe, mon origine. Il faut se remettre en question, accepter sa responsabilité, accompagner les changements de société en cours. Alors oui, je suis un « cher connard » blanc, mâle, de 55 piges !

Le collectif Troubles. Photo DR

27.04
À La Laiterie
En première partie du collectif Troubles (Virginie Despentes, Béatrice Dalle, Casey & Zëro) qui met en scène et en musique des textes de Donna Harraway, Françoise d’Eaubonne, Alana S. Portero, Mikki Kendall, Paul B. Preciado, Pedro Lemebel ou Virginie Despentes
artefact.org

Dans le cadre de Lire notre monde, programmation de Strasbourg Capitale Mondiale du Livre UNESCO 2024
lirenotremonde.strasbourg.eu


Par Emmanuel Dosda