Jamais, en trente ans d’amitié ils n’ont dévié de leur trajectoire et de leurs convictions pop wave. Au fil des ans, Ils ont apporté quelques beats électros à leur son anglais et à leur pop française. Ils nous offriront ce soir là un condensé de leurs six albums. Mais rien n’aura été épargné aux systèmes nerveux de ces amateurs. Un ingénieur lumière bloqué deux heures et demie dans les bouchons sans être sûr d’arriver à temps, une boîte à rythme encore aphone quinze minutes avant l’heure, une sorte de baptême du feu pour ces colmariens discrets.
Une brune et une blonde aux claviers, un chauve et un frisé grisonnant à la guitare et à la basse, nos quatre cinquantenaires sont alignés, droits, habillés en noir pour entamer Jenifer et Summer. Titres qui soulignent immédiatement l’importance d’un son clair et net en concert. Ajoutez à cela un jeu de lumière raffiné, et vous transcendez un groupe pop régional en machine à tubes dansants sur la scène de la Loggia.
Deux compères aux couleurs d’ AC/DC et d’ Iron Maiden se cramponnent aux balustrades pour piétiner frénétiquement la boue de leurs rangers une heure durant. Sur Break The Phone, le chant de Mathieu Marmillot renvoie à celui de Mark E. Smith de The Fall soudainement pris de robotisme. Alternant un jeu de basse verticale ou horizontale, il donne forme à ce son rond (New Orderien) parfaitement maîtrisé, sans jeu de scène ostentatoire. Ils poursuivent la soirée sous des faisceaux bleus et jaunes en retenue toute britannique pendant le tube cold pop Love In Tears. Devant un parvis qui se remplit comme une marée, deux éditeurs cous tendus et yeux écarquillés gigotent avec femmes et enfants devant un journaliste en short et chemise hawaïenne. Fender Jaguar et basse Rickenbacker pour le son rock nerveux de Supernova qui redonnera un petit pied aux fesses au public et à des jeunots en train de se galocher. Un hommage vachard aux britons sera rendu sous la pop fraîche à cocktails de How Does It Feel pour un début de mois de juillet sur les plages de Benidorm.
L’étendue mélodique de cette pop efficace se déploie encore avec les riffs acoustiques de Mathieu Schuster et des paroles espiègles annonçant, en français, un final plus sombre. Paula’s Body ou l’histoire d’une solitude qui se poursuit aux obsèques d’une femme pendue sous les claviers et orgues d’église de Karine Ollagnier et de Brigitte Clergue. Parfait lancement qui résonne étrangement avec la fin de Ian Curtis, auteur de Isolation, reprise qui fera office de dernier morceau. Un choix évident qui replace logiquement Manson’s Child comme héritiers de cette pop wave indé des années 90.
Ce concert sans faille, modèle de maîtrise, s’achève ainsi en beauté froide sous les nuages d’un jeu de lumière subtil. Le public est déjà en marche vers les cadors de la grande scène qui auraient pu prendre une belle leçon de classe scénique et de droiture par un groupe d’amateurs confirmés. Clairement un des concerts les plus intéressants de la soirée. Il est fort probable que samedi prochain, les Manson’s Child se retrouveront au poulailler (surnom de leur local de répet), comme tous les samedis après-midi depuis trente ans. Presque rien n’aura changé. Ils testeront sans doute quelques ébauches de nouveaux morceaux, quelques arrangements pour leur futur mini album… Deux bouteilles de crémant barboteront peut-être dans un vieux seau de peinture…
Par Mathieu Jeannette
Photo Deadly Sexy Carl