À quoi ça sert pour vous une directrice, un directeur de théâtre ?
À guider, orchestrer, à créer une équipe forte, à trouver un vocabulaire commun avec les artistes et le public. Créer une aventure. Plutôt que de parler de « direction », j’aime l’idée « d‘insuffler une direction » – et puis accepter d’être surpris par les vents contraires aussi. Je crois beaucoup à l’intelligence collective. C’est en travaillant collectivement que l’on fait avancer les choses.
Vous aimeriez « dédramatiser le centre dramatique. » Qu’entendez-vous par là ?
Disons que le travail a commencé avant moi, et qu’il continuera après moi… Car même si le théâtre continue aujourd’hui d’être un bastion, un endroit où il y a du silence, du vivant, un endroit rare où les uns écoutent les autres, si vous arrêtez quelqu’un dans la rue, il écoute forcément de la musique mais la plupart du temps, ne va pas au théâtre. Dédramatiser le centre dramatique, c’est surtout aller vers les publics. C’est pour cette raison que je propose de mettre en place une itinérance artistique, d’amener le théâtre dans les zones rurales, loin des centres culturels, et de faire également des propositions aux familles, pour alimenter le plaisir d’être ensemble. Parce qu’aller au théâtre, ça reste un acte fort dans les contraintes du monde dans lequel on vit, ça demande un effort de sortir de chez soi – c’est beaucoup simple plus d’aller sur Deezer ou de lancer Netflix. Faire la démarche, c’est déjà un acte déjà en soit. Comme faire un gâteau. Ou faire pousser quelque chose dans son jardin. C’est participer à l’idée que l’on ne se sédentarise pas, comment tout ne vient pas à nous, comment on fait quelque chose vers l’autre. Et puis cet art a le mérite et le devoir de faire avancer les représentations que l’on a du monde, des hommes, des femmes, des rapports humains. Quand vous ne représentez pas les communautés qui existent, il n’y a aucune raison qu’elles viennent… Je parle du fait de faire exclusivement du théâtre blanc, de ne représenter que des catégories sociales élevées, d’être dans des histoires bourgeoises. Pourquoi les séries ont autant de succès, c’est justement parce qu’elles représentent bien la totalité de la population, et parfois elles le font très très bien, du coup c’est normal que les gens suivent, puisqu’ils se sentent représentés. C’est donc aussi comme cela que l’on popularisera encore plus le théâtre : en représentant (tous) les gens.