Le Gaveur du Kochersberg

Installée dans un vallon du Kochersberg, la famille Nonnenmacher élève depuis plus de 40 ans des canards mulards, destinés à la préparation du foie gras. Une filière historique de l’Alsace que seuls une dizaine de producteurs perpétuent encore aujourd’hui. 

Jean-Jacques Nonnenmacher, de la ferme du Gaveur du Kochersberg. © Christophe Urbain
Dans les années 1980, Jean-Jacques Nonnenmacher et sa femme Eliane se sont lancés
dans l’élevage de canards. © Christophe Urbain

Bien que l’hiver n’ait pas officiellement débuté, le froid est mordant lorsque nous arrivons en ce matin d’automne brumeux à la ferme du Gaveur du Kochersberg. Heureusement, nous sommes bien équipés, car c’est à l’extérieur que débute notre visite de l’exploitation tenue par la famille Nonnenmacher depuis trois générations. C’est Jean-Jacques, le père, qui nous emmène voir les canards. « Ce sont des mulards. Une espèce rustique, très résistante, issue d’un croisement entre un canard de Barbarie et une cane de Pékin. » Un volatile robuste, habitué à vivre dehors et qui gambade ici librement sur des parcours enherbés de 70 ares à 1 hectare, jalonnés d’arbres fruitiers. Cela fait plus de 40 ans que la famille s’est spécialisée dans l’élevage et le gavage des canards. Le tournant a été pris par Jean-Jacques dans les années 1980. À l’époque, il vient d’hériter de la ferme de ses parents, producteurs de tabac et éleveurs de vaches laitières. Secondé par sa femme Eliane, il achète une quarantaine de poussins, convertit une partie des terres à la culture céréalière pour pouvoir les nourrir, puis agrandit d’année en année le cheptel jusqu’à atteindre 13 000 canards. « Aujourd’hui, l’élevage des mulards représente 70 % de notre chiffre d’affaires », indique Audrey, une des filles de Jean-Jacques et Eliane, qui a repris aux côtés de son frère Cédric l’entreprise familiale dans les années 2010.

Les canards de la ferme du Gaveur du Kochersberg. © DR
Les canards mulards de la ferme du Gaveur du Kochersberg © DR

Élevage en plein air

Lorsque les palmipèdes arrivent à la ferme, ils ont à peine un jour. « C’est ce qui fait de nous des éleveurs-gaveurs et non juste des transformateurs », précise Jean-Jacques en nous ouvrant la porte d’un vaste hangar attenant aux parcours de plein air des volatiles. C’est dans cette poussinière chauffée à 30 °C-33 °C que sont élevés les canetons durant leurs trois premières semaines de vie. Une fois « adolescents », leur plumage change et leur permet d’affronter les températures extérieures. Durant les dix semaines suivantes, ils évolueront dehors et seront nourris avec les céréales produites à la ferme, mélange de maïs, de blé et d’orge. Dernière étape : le gavage, pour obtenir des foies gras. « L’engraissement n’a rien de barbare ou de cruel », rassure Audrey, « les canards sont des oiseaux qui ont naturellement tendance à se gaver, pour stocker de grandes réserves d’énergie avant de partir en migration. Leur anatomie est d’ailleurs faite pour recevoir une grande quantité d’aliments en même temps. » Au bout d’une douzaine de jours, les animaux sont prêts pour l’abattage, pratiqué directement à la ferme.

Les terrines de foie gras transformées sur place. © Christophe Urbain
Tourtes, pâtés en croûte, foies gras, toutes les préparations à base de canard sont réalisées sur place à la ferme. © Christophe Urbain

Tout est bon dans le canard

Toutes les parties du canard sont valorisées et transformées sur place. « Les foies gras sont mis à cuire le jour même, pour garantir une fraîcheur optimale », détaille Audrey en nous entraînant dans le laboratoire à la propreté chirurgicale ; « le lendemain, on s’occupe de la viande ». Cuisses, magrets, aiguillettes, manchons et même cous sont emballés sous vide pour être mis en rayon. Une partie part également en salaison. « On répartit un mélange d’ail frais [produit à la ferme], de sel, de poivre, de laurier et de coriandre sur les magrets et les cuisses, puis on les place deux jours entiers en chambre froide, avant de les fumer à la sciure de hêtre. »

Le Gaveur du Kochersberg réalise aussi des confits (de cuisses, de magret, de gésier), prépare des rillettes avec les cous et manchons, du presskopf de canard, en ajoutant des légumes de la ferme, et toutes sortes de plats d’inspiration alsacienne, comme des tourtes vigneronnes enrobées d’une pâte brisée à la graisse de canard. Désormais bien connus des habitants du secteur, les produits s’écoulent pour les trois quarts en vente directe dans la boutique en bois jouxtant le labo. Le reste est livré aux restaurateurs alentour ou vendu au mois de décembre, au marché de Noël de Strasbourg, place du Marché-aux-Poissons.


Le Gaveur du Kochersberg
14, rue de Hochfelden, à Woellenheim
@le_gaveur_du_kochersberg
gaveur-kochersberg.fr


Par Tatiana Geiselmann
Photos Christophe Urbain