Les Graines d'Alsace

Dans l’assiette, elles apportent un taux de protéines qui flirte avec celui des viandes. Aux champs, elles cumulent économie d’irrigation et pouvoir d’enrichissement des sols. Pour les légumineuses, le futur s’annonce prometteur, tout comme pour les quatre agriculteurs de Graines d’Alsace, qui se sont érigés dans la région en pionniers de cette filière d’avenir. 

Au bout du chemin de terre, à la sortie de Plobsheim, rien ne distingue la ferme de Cédric Steinle des exploitations agricoles du coin – en tout cas en ce début d’automne. Au printemps en revanche, quand commencent à pousser ses plants de lentilles, pois chiches et quinoa, la différence avec les traditionnels champs de maïs, blé, betterave, orge et colza saute aux yeux. C’est en 2020 que le dynamique trentenaire a commencé à diversifier sa production « pour l’adapter aux changements climatiques ». Fils et petit-fils d’agriculteurs, Cédric Steinle cultive ce bon sens paysan, qui lui dicte de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Une intuition renforcée par l’expérience de saisons difficiles, en raison des aléas climatiques. « La première année, j’ai planté un hectare de lentilles, de pois chiches et de quinoa, mais je ne savais pas du tout où j’allais. » Très vite cependant, il mesure les bienfaits de ces cultures. En fixant l’azote de l’air dans le sol, les légumineuses enrichissent ses terres, qui deviennent plus fertiles, et en pratiquant la rotation des cultures, plus besoin d’engrais chimiques. « Les graines poussent en 90 à 120 jours, sans irrigation, puis il suffit de les récolter à la moissonneuse-batteuse. Autant dire que la première année, j’ai été épaté par cette simplicité. » Ce premier pas prometteur lui vaut d’être repéré par l’Interprofession des fruits et légumes d’Alsace (IFLA) qui l’encourage à augmenter sa production. 

Plantes à croissance rapide

Dopé par sa réussite et d’un naturel fonceur, Cédric Steinle convainc trois agriculteurs d’Eschau, de Plobsheim et de Nordhouse, qu’il connait de longue date, de le suivre dans l’aventure. Ensemble, ils investissent 400 000 € pour lancer leur SAS Graines d’Alsace. « On était fiers de faire bouger les lignes, d’être les pionniers de la filière légumineuses d’Alsace, mais la deuxième récolte a été catastrophique, gâchée par une grosse pluviométrie estivale. » Les conseils techniques de l’IFLA pour sélectionner des variétés précoces plus résistantes, avec une concentration élevée en protéines et de belles qualités gustatives, couplés à un soutien logistique pour lancer la commercialisation en circuit court, leur permettent de ne pas se décourager.

En 2022, les quatre agriculteurs récoltent 25 tonnes de lentilles, 10 de pois chiches et 13 de quinoa. « Plusieurs articles et reportages sur notre aventure sont venus booster la demande. On ne s’attendait pas à ça ! » Lors de la Foire européenne de Strasbourg, leur stand Graines d’Alsace confirme les attentes du marché. « Les citadins sont très en recherche de produits locaux et d’une alternative à la consommation de viande. Ils sont aussi bien plus calés que nous sur la façon de consommer ces légumineuses », s’amuse Cédric Steinle. 

De la semence à l’assiette

Pour développer la filière, les quatre pionniers ne ménagent pas leurs efforts. Après avoir récolté leurs petites graines dans les champs, ils les envoient en Haute-Marne, pour subir un tri sévère. Huit machines successives les débarrassent des cailloux, de la terre et des brindilles laissés par la moissonneuse, afin d’obtenir des légumes secs prêts à consommer. Une partie est conservée à l’abri de la lumière pour ensemencer la culture suivante. Le reste vient alimenter deux circuits de distribution distincts : d’une part les supermarchés alsaciens, qui proposent à la vente la gamme siglée d’une cigogne, empaquetée dans le Haut-Rhin ; d’autre part les magasins de proximité et les restaurateurs, qui disposent eux de la gamme en sachets kraft, conditionnée artisanalement sur place. 

Aujourd’hui, la structure agricole fonctionne comme une sorte de coopérative, avec l’élargissement de la production à quatre nouveaux agriculteurs, qui suivent un cahier des charges très strict et revendent la totalité de leur récolte en exclusivité à Graines d’Alsace. « En allant chercher des producteurs à 20 ou 30 kilomètres, on sécurise de potentiels aléas climatiques et on augmente nos volumes, sans transiger sur la qualité. » Résultat cette année : 70 tonnes de légumineuses récoltées. Le rendement restant cependant assez faible, Cédric Steinle et ses trois associés continuent de chercher à valoriser leur production, pour assurer un véritable revenu aux agriculteurs. Leur nouvelle piste de développement : la restauration collective locale. Intégré au Projet alimentaire territorial (PAT) de l’Eurométropole de Strasbourg, Graines d’Alsace devrait ainsi se retrouver l’an prochain dans les assiettes des cantines strasbourgeoises. Alors, si on en prenait de la graine ?

Produits disponibles à 

La Nouvelle Douane
1A, rue du Vieux-Marché-aux-Poissons

Le bon goût du terroir et des primeurs
1, rue Welsh

Maraîcher Andrès
15, rue de l’Afrique

Et dans plusieurs autres points de vente à retrouver sur grainesalsace.fr


Par Corinne Maix 
Photos Pascal Bastien