Nourrir pour se nourrir
Les dispositifs d’insertion se multiplient et utilisent la cuisine comme levier, à commencer par l’association Stamtish dont nous avons déjà parlé dans nos pages. Ce réseau solidaire par l’assiette vise à faciliter l’inclusion sociale et professionnelle de celles et ceux qui en sont éloignés, à commencer par les personnes issues des migrations. Le réseau mène des actions toute l’année mais c’est le Refugee Food Festival, dont Stamtish est colporteur de projet à Strasbourg, qui lui donne une vraie visibilité auprès du grand public. Au mois de juin, nous avons participé à la huitième édition de ce temps fort, inscrit dans le cadre de la Semaine des Réfugiés.
La joyeuse brigade de Stamtish est métissée et les influences culinaires viennent des quatre coins du monde. Certains ont aujourd’hui ouvert leur propre restaurant, comme Hussam, à l’origine de Damasquino (littéralement « petit Damas »), dédié aux spécialités syriennes. Un exemple de réussite et une fierté pour l’équipe qui l’a accompagné jusqu’à son ouverture. Laura Suffissais, la présidente de Stamtish nous éclaire sur la situation : « Il faut savoir que la plupart de nos cuisiniers n’avait pas le même métier dans leur pays d’origine. Certains étaient dans le médical ou la gestion d’entreprise. La gastronomie est un patrimoine immatériel qui est facile à mettre dans ses bagages quand on quitte son pays. » Et pourtant, savoir cuisiner à la maison pour ses proches et savoir reproduire les plats traditionnels de son pays ne sont pas forcément des compétences suffisantes pour s’intégrer dans l’équipe d’un restaurant français. Et c’est en cela que Stamtish occupe le rôle déterminant d’accompagnateur, entremetteur et facilitateur, pour garantir les meilleures conditions de travail et d’intégration à ces cuisiniers qui ont le droit de travailler mais ne possèdent pas de papiers français.
Ce midi c’est Liana, cuisinière originaire de Géorgie, qui a rejoint l’équipe de Pecora Negra le temps d’un service. Elle revisite le khachapuri, une sorte de pain au fromage et à l’œuf géorgien, prenant pour l’occasion des allures de pizza. L’ambiance est joyeuse dans cette cuisine ouverte qui est déjà très cosmopolite. La brigade est souriante et chaque poste est bien organisé pour faciliter cette rencontre culinaire à plusieurs mains. Et le résultat semble ravir l’ensemble des convives, dont la plupart ne savaient pas que le Refugee Food Festival avait investi le restaurant. « Nous travaillons avec des restaurants qui ont une vraie démarche d’insertion. On évite le social washing à tout prix », explique Laura avant de renchérir : « Ces restaurants ont déjà une clientèle fidèle et installée, ce n’est pas le festival qui leur ramène du monde mais les clients qui s’ouvrent à cette démarche solidaire, visant à lutter contre les discriminations.
Dans le viseur de l’association, l’ouverture future à Strasbourg d’un établissement inclusif et solidaire de cuisine du monde, un projet triporté aux cotés de Coopalim et Kooglof. D’ici là, les actions ne manquent pas, comme les ateliers de cuisine participative organisés avec les associations ou établissements partenaires (Les Petites Cantines ou La cuisine de demain, qui prête ses fourneaux aux cuisiniers de Stamtish) ; et plus récemment le développement d’un escape game culinaire pour vivre une expérience food insolite, en s’éveillant à la diversité culturelle par le goût.